Jean-Luc Romero : « je ne pense pas que les questions religieuses doivent être un obstacle au respect des droits humains »

Dans un entretien cette semaine au site sénégalais, KOACI, Jean-Luc Romero-Michel, Maire adjoint (PS) du XIIe, militant associatif et président des Élus Contre le Sida, a de nouveau défendu la cause des 7 hommes interpelés en juillet dernier, dans un appartement privé au nord de la région de Dakar, et condamnés le mois suivant à 6 mois de prison ferme pour « acte contre nature ». La preuve ? Un préservatif qualifié d’ « entamé ».

« Ces 7 personnes… Elles n’ont ni tué, ni volé, ni fait de mal à personne, n’est-ce-pas ? » Ne pouvant se résoudre à les laisser sans soutien, Jean-Luc Romero réagissait sur le huffingtonpost, en partageant une pétition pour demander au président sénégalais, M. Macky Sall, de décider une grâce.

« En quelle qualité initiez-vous cette requête ? », interroge le journaliste.

« Tout simplement en ma qualité de militant », souligne M. Romero. « Mais je souhaite de suite préciser quelque chose : il ne s’agit pas d’une pétition que j’ai lancée de manière isolée, il s’agit d’une pétition lancée avec le soutien d’acteurs sénégalais. C’est important de le dire. »

« Êtes-vous « un homosexuel » ? »

Oui, je suis homosexuel comme je vous l’ai dit. Je suis aussi un militant, un président d’associations, un citoyen, un fils, un mari. Je suis tout cela, pas seulement homosexuel. Pour être franc, je ne comprends pas très bien la portée de votre question sur le dossier de fond sur lequel vous m’interrogez : faut-il être noir pour lutter contre le racisme ? Être en fauteuil roulant pour travailler sur le handicap ? Je ne le pense pas et je pense que vous et vos lecteurs serez d’accord avec moi.

« Vous dites aussi que vous avez été au Sénégal et vous avez rencontré, « comme à chaque fois, les activistes des droits LGBT » qu’en est il exactement de cette rencontre ? »

« Dans toutes les missions que j’effectue, que ce soit au Sénégal ou dans d’autres pays, je vais à chaque fois rencontrer les militants. Cela me permet d’avoir une vision plus juste des choses, cela me permet d’échanger, de créer des liens, d’envisager des projets en commun. C’était le cas pour cette mission au Sénégal. »

« Quelles sont les personnes qui y ont pris part ? »

« Simplement, les responsables des associations de défense des droits LGBT, mais j’ai aussi et surtout rencontré les acteurs sénégalais de la lutte contre le VIH/sida. La région Île-de-France dont je suis élu, a aidé au financement du centre de traitement ambulatoire. »

« Y avait-il de grandes personnalités sénégalaises ? Lesquelles ? »

« De grandes personnalités ? Tout dépend ce que vous entendez par grandes. J’ai en effet, comme je vous le disais, rencontrer des personnes engagées, militantes et qui ont envie de faire évoluer la société sénégalaise dans le sens d’un plus grand respect des droits humains. Pour moi, cela fait de ces personnes de grandes personnalités. »

« Le Sénégal est un pays constitué à 99% de croyants donc contre l’homosexualité aviez vous pris en compte cet aspect socioculturel ? »

« Je comprends bien votre question et je vous le dis sincèrement, il ne s’agit pas là de juger le Sénégal, les Sénégalais ou de heurter les sensibilités. Je ne suis pas un donneur de leçons et j’aime profondément votre pays et votre peuple. Pensez-vous qu’en France, la situation soit idéale ? Assurément non. Je peux vous dire que je reçois tous les jours des menaces de morts sur les réseaux sociaux : on déclare vouloir me tuer parce que j’aime un autre homme et ça, cela mériterait la mort !
Je reviens sur le Sénégal : je ne pense pas que les questions religieuses doivent être un obstacle au respect des droits humains et je tiens tout de même à rappeler que le Sénégal a ratifié les conventions onusiennes de 1966 : cela oblige le pays au respect des droits humains. Cela fait tout de même presque 40 ans que l’état sénégalais a décidé de ratifier ces conventions ! »

« Si vous réussissiez à atteindre le nombre de signatures souhaité, ce sera quoi la prochaine étape de votre lutte ? »

Mon but est bien sûr d’obtenir la grâce présidentielle pour ces 7 personnes et le moyen est de mobiliser le nombre le plus élevé de citoyens via cette pétition. Je n’ai pas d’autre but. Maintenant, je le dis et je le ferai, je serai toujours en soutien des mouvements sénégalais de défense des droits humains : je pense essentiel que le Sénégal se pose la question de la dépénalisation de l’homosexualité car on le sait tous, arrêtons l’hypocrisie, l’article 319 du Code pénal, vise bien les homosexuels. »

Et le journaliste de préciser ensuite les différents alinéas de l’article en question. On notera que l’homosexualité est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100.000 à 1.500.000 francs. Un peu moins de 2300 euros :

– Tout attentat à la pudeur consommé ou tenté sans violence sur la personne d’un enfant de l’un ou de l’autre sexe âgé de moins de treize ans, sera puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans.
-Sera puni du maximum de la peine, l’attentat à la pudeur commis partout ascendant ou toute personne ayant autorité sur la victime mineure, même âgée de plus de treize ans. (Loi n° 66-16 du 1er février 1966)
– Sans préjudice des peines plus graves prévues par les alinéas qui précédent ou par les articles 320 et 321 du présent Code, sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100.000 à 1.500.000 francs, quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe. Si l’acte a été commis avec un mineur de 21 ans, le maximum de la peine sera toujours prononcé.
– Article 319 bis (loi n° 99-05 du 29 janvier 1999) Le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de gestes, de menaces, de paroles, d’écrits ou de contraintes dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions sera puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 50.000 à 500.000 francs. Lorsque la victime de l’infraction est âgée de moins de 16 ans, le maximum de la peine d’emprisonnement sera prononcé.)

« Vous vivez depuis quelque temps avec le VIH SIDA, quel est votre état actuel de santé ? »

« Je vous remercie de cette délicate attention : ça va correctement, certains jours sont plus compliqués que d’autres, mais ça fait plus de 27 ans donc je me suis habitué d’autant qu’entre les premiers traitements et aujourd’hui, il y a eu des avancées considérables.

Vu que vous me posez la question sur ma séropositivité, j’en profite pour revenir au dossier judiciaire : les personnes ont été condamnées avec comme preuve un préservatif qualifié d’entamé. Cela m’inquiète qu’un moyen de prévention notamment du VIH/sida soit utilisé comme une preuve dans un dossier pénal. Cela ne doit pas faire peser de menaces sur les personnes qui font de la prévention notamment en direction des gays : ce serait alors un problème de droits humains mais également de santé publique. Et je sais que le Sénégal a été un fer de lance de la lutte contre le sida. Ce serait dommage qu’il revienne en arrière. »

Résultat ? Pour conclure, le « journaliste » intitulera son article par : « Graves révélations d’un homosexuel français : De grandes personnalités sénégalaises œuvrent pour obtenir la grâce présidentielle aux 7 gays condamnés à 6 mois de prison… »

Effectivement, « il est temps pour le Sénégal de faire preuve d’un réel volontarisme dans la mise en place d’une politique respectueuse des droits humains. Il est temps de mettre en place une politique de promotion de la tolérance, une politique d’éducation à la tolérance et au respect des différences. Il est temps pour l’Etat sénégalais de faire en sorte que chacun de ses citoyens aient les mêmes droits. » Ensemble, nous pouvons faire changer les choses. Témoignons notre soutien et demandons déjà au président M. Macky Sall, de décider une grâce pour ces 7 personnes condamnées, dont le seul crime est d’aimer une personne du même sexe ! « Ils ont besoin de nous ! De vous ! Quel meilleur signe cela pourrait être… »