Nous sommes mariés. Le couple que j’ai le bonheur de faire avec mon compagnon, Christophe, est enfin reconnu par notre République, par cette République dont la devise est ce fameux triptyque qui nous sert, qui doit nous servir de guide : « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Je ne vous le cache pas, comme beaucoup de couples je pense, j’avais beaucoup imaginé cette cérémonie, notamment ce fameux « oui » qui ferait de nous des citoyens à part entière, non des citoyens de seconde zone : l’émotion de mon compagnon, la mienne, celle de ma mère, de nos témoins, de nos proches…
Que de chemin parcouru en 30 ans
Je me suis imaginé beaucoup de choses.
Je m’imaginais repenser à la situation d’il y a encore quelques années, où l’homosexualité était un délit et, où la première fois où je suis entré dans une boîte gay, les policiers ont fait une descente… Que de chemin parcouru en 30 ans !
J’imaginais penser à ce virus qui me suit depuis 25 ans, qui me ronge, que je tente d’amadouer mais qui reste un compagnon du quotidien bien encombrant… Alors ce « oui », il aurait été pour lui, simplement pour lui cracher au visage que oui, je suis toujours là 25 ans après et je vis, je suis heureux !
Je m’imaginais repenser à mon père décédé il y a tant d’années. Je m’imaginais penser à Hubert auquel je pense tant, emporté par ce salaud de virus sans avoir pu être reconnu comme un citoyen.
Je m’imaginais avoir une pensée pour toutes les personnes qui ont permis de faire de ce combat une réalité tangible. Bien sûr, les personnalités qui ont porté ce combat : Christine Taubira, Dominique Bertinotti – dont je pouvais voir l’émotion durant la cérémonie, Bertrand Delanoë et Valérie Trierweiler, personnes ô combien essentielles dans cette lutte pour l’égalité, Anne Hidalgo avec qui je partage tant de combats, et évidemment François Hollande.
Mais également à tous ces centaines de milliers d’anonymes qui ont défendu une vision moderne et ouverte de notre société. Une vision qui voit en l’autre non un ennemi qu’il faudrait pourfendre, mais un citoyen à part entière. Une vision courageuse, humaine et progressiste. Une vision de la France de demain et non d’hier.
Le magnifique sourire de mon compagnon
Je m’imaginais que ce « oui » serait balancé au visage de ces milliers de personnes haineuses qui, prenant prétexte de la religion, n’ont eu que le mot haine à la bouche pendant tant de mois. Ce déferlement d’homophobie laissera des traces et il faudra sans nul doute que ces spécialistes de la haine en assument les conséquences.
Je me suis imaginé tant de choses… En fait, je vais être honnête avec vous : quand j’ai dit ce grand « oui » – j’espère que mes proches ne m’en voudront pas ! – mais je n’ai pensé qu’à une chose : le magnifique sourire de mon compagnon. Celui qui est mon présent et mon futur, mon amoureux et mon complice. Celui qui me fait vivre…
Alors chers lecteurs, je vais vous confier les derniers mots de mon discours et je vous les adresse comme, non pas une leçon de vie, mais peut-être comme un conseil de néo-marié ; c’est Armistead Maupin, dans ses « Chroniques de San Francisco », qui l’écrit :
« Il m’avait un jour proposé un bail de 30 ans, mais 20 feront amplement l’affaire ; rien que cette journée me suffit. Peu importe qu’il n’y ait pas de lendemains garantis, du moment qu’on est ensemble. »
L’avenir dure toujours…
Par Jean-Luc Romero
Président d’Élus locaux contre le sida
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