Daniel Cohn-Bendit, député européen (Verts), fustige l’utilisation par le président russe Vladimir Poutine du symbole olympique à sa gloire personnelle. Pour marquer son désaccord sur les politiques russes en matière de droits de l’homme et de liberté d’expression, il recommande le boycott.
Où est le problème avec ces Jeux olympiques d’hiver ?
Il faut signaler à Poutine que trop, c’est trop. Il y a une accumulation incroyable de problèmes en Russie avec l’Ukraine, le comportement du gouvernement russe contre l’opposition, contre la liberté d’expression, les droits des homosexuels. Le président allemand Joachim Gauck a appelé ce week-end au boycott de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver à Sotchi, en février. J’ai lu avec plaisir que le commissaire européen Viviane Reding n’irait pas, non plus. J’appelle François Hollande à en faire de même. Le problème, c’est que depuis 25 ans ou 30 ans, les Etats et l’Europe ne savent pas comment se comporter face à la Russie. Entre les intérêts économiques, les pressions diplomatiques nécessaires et la nécessité d’acter les choses où on est en complet désaccord, on ne trouve pas le bon comportement. L’idée de répondre par Sotchi, c’est pas mal.
Quel serait le message de ce boycott ?
Pour Poutine, c’est une question de prestige. Ca va être bien, parce qu’il va arriver torse nu pour l’inauguration. Il va faire un combat au centre du stade olympique de patinage, contre un ours. On aura droit à un beau spectacle gréco-russe. Les chefs d’Etat qui iront là-bas cautionneront cette démonstration de force, comme on a cautionné la démonstration de force des Chinois à Pékin en 2008, comme on a cautionné Hitler en 1936. Les Etats et leurs gouvernements, quand c’est un gouvernement totalitaire et autoritaire, ont toujours instrumentalisé les Jeux olympiques à leur profit. On est dedans ou on n’est pas dedans !
Et les athlètes ? Doivent-ils y aller ?
Oui. Les athlètes ont la possibilité d’exprimer leur désaccord avec ce qui se passe en Russie, comme l’ont fait Tommie Smith et John Carlos à Mexico, en 1968, poings levés en solidarité avec le mouvement des Noirs aux Etats-Unis. Ces deux-là ont été radiés à vie de l’olympisme. Au championnat du monde de hockey sur glace en 1969, après deux victoires mémorables de la Tchécoslovaquie, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue. Les hockeyeurs tchèques avaient refusé de serrer la main aux Russes. Aux Jeux olympiques de 1980, déjà à Moscou, le sauteur à la perche polonais Kozakiewicz fait un bras d’honneur aux Russes après sa victoire, en signe de solidarité avec le mouvement Solidarnosc. Cet été, une athlète suédoise est arrivée aux mondiaux à Moscou les ongles bariolés aux couleurs du drapeau des homosexuels. Il y a des tas de possibilités pour les athlètes d’exprimer leur solidarité avec ceux qui sont persécutés en Russie.
Les Russes proposent des JO compatibles avec les normes européennes de protection de l’environnement. Vont-ils tenir cette promesse ?
Les Jeux de Vancouver, en 2010, ont coûté 1,4 milliard d’euros. A Sotchi, ils vont coûter 36 milliards d’euros. Les Russes ont tout cassé, là-bas. C’est une catastrophe. C’était un espace naturel vierge. De la folie pure. Après les JO, il restera un village de ski où des milliardaires russes, qui ont l’habitude de skier à Courchevel, à Megève ou à Kitzbuehl, pourront passer leurs vacances. L’esplanade olympique, à 5 kilomètres de la frontière avec la Georgie, aura une grande valeur géopolitique. Poutine pourra y faire des grands défilés militaires pour dire « coucou » aux Georgiens. Ou un Grand Prix de Formule 1. N’importe quoi.
Par Olivier Mirguet
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