Le 28 novembre 2003, agressé sur un lieu de rencontre gay à Avignon, Wilfried Cerveaux livrait aux gendarmes tous les éléments pour identifier ses deux assaillants. Il est tombé dans un guet-apens : l’un d’eux lui avait donné un rendez-vous, mais en guise de galanterie, il sera passé à tabac et échappera à la mort en se jetant dans l’eau glacée du Rhône.
« Prénoms, numéro de téléphone, plaque minéralogique », malgré toutes ces informations, l’adjudant Francis Navarro, alors commandant adjoint de la brigade de Roquemaure, laissera la plainte « en sommeil », ainsi qu’une cinquantaine d’autres procédures.
Six ans plus tard, le 4 janvier 2009, les suspects, Eric Meynier et Ludovic Serra, qui n’avaient pas été inquiétés, vont assassiner leur victime suivante, Frédéric, un jeune gay à Sérignan (Hérault). Ils seront appréhendés et les enquêteurs feront « le lien entre les deux affaires », concluant à « un crime qui aurait pu être évité », si les premiers gendarmes avaient fait leur travail. Les meurtriers ont été condamnés en février 2013 à 30 et 25 ans de réclusion criminelle.
Cité au procès devant la cour d’assises de l’Hérault, Francis Navarro, devenu veilleur de nuit, a été incapable de fournir la moindre explication à son comportement, si ce n’est d’évoquer « une sorte de burn-out ».
Le 6 mars dernier, le tribunal de Nîmes a finalement indemnisé Wilfried Cerveaux, mais « à la marge », lui accordant 6000 euros au titre de son préjudice moral. Il poursuivait l’état pour la faute, tristement récurrente, commise par le militaire.
« Un vrai parcours du combattant, au tribunal administratif puis devant la juridiction civile », souligne son avocate Me Sylvain Alet sur Midi-Libre, qui rapporte l’affaire. L’État contestant toute négligence, « il a dû attendre près de dix ans pour que son statut de victime soit enfin reconnu. » Les parents de Frédéric ont renoncé à se lancer dans une procédure similaire.
Terrence Katchadourian
stoophomophobie.com