« Ces avis mettront fin à plusieurs mois d’insécurité juridique pour les familles homoparentales » a constaté la garde des Sceaux Christiane Taubira en prenant connaissance des avis de la Cour de Cassation émis ce jour. La haute juridiction a en effet considéré que le prononcé d’une adoption sollicitée par la conjointe d’une femme ayant accouché d’un enfant issu d’une assistance médicale à la procréation réalisée à l’étranger était juridiquement possible.
La Ministre de la Justice souligne cependant que les décisions de refus étaient au nombre de 9 pour 281 décisions favorables, ordonnant le prononcé de l’adoption.
Pour la garde des Sceaux, ces avis favoriseront une harmonisation de la jurisprudence. L’adoption est désormais clairement ouverte, sous toutes ses formes, à tous les couples mariés conformément à la loi du 17 mai 2013.
Une procréation médicalement assistée (PMA) réalisée à l’étranger n’est pas un « obstacle » à l’adoption en France, a tranché la Cour de cassation mardi 23 septembre. Un avis qui était très attendu par les tribunaux, même si la majorité répondent déjà positivement aux demandes.
La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a été saisie par les tribunaux de grande instance d’Avignon et Poitiers pour trancher cette question de droit qui suscite une « instabilité juridique », après des jugements contradictoires.
La loi sur le mariage pour tous, qui a aussi ouvert le droit à l’adoption aux couples de même sexe, n’a en effet pas changé le statut de la PMA : elle reste théoriquement réservée en France aux couples hétérosexuels.
« Intérêt supérieur de l’enfant »
Dans sa saisine, le TGI de Poitiers demande à la Cour de cassation de lui dire si la législation actuelle empêche « que soit prononcée une adoption de l’enfant né de cette procréation par l’épouse de la mère ». Ou bien, si « l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit à la vie privée et familiale exigent au contraire de faire droit à cette demande ».
Car depuis le vote de la loi sur le mariage gay, les tribunaux français se sont prononcés différemment, même si une très large majorité a répondu favorablement aux demandes d’adoption des conjointes de mères biologiques d’enfants conçus par PMA à l’étranger. Selon une étude commandée par la Chancellerie, à la mi-juillet, sur 295 décisions référencées, 281 avaient accordé l’adoption, dont 254 adoptions plénières, par opposition à l’adoption simple plus restrictive.
Et, parmi les 14 procédures n’ayant pas encore abouti, neuf ont fait l’objet d’un refus, trois ont incité les tribunaux concernés à ordonner une enquête de police ou une enquête sociale, et deux ont donné lieu à cette saisine de la Cour de cassation pour avis.
« Assurer la prévention des contentieux »
Parmi les arguments avancés, le TGI de Versailles a refusé une adoption en évoquant « une fraude à la loi » au sujet du recours à la PMA à l’étranger, alors qu’elle est interdite en France aux couples homosexuels. A contrario, le TGI de Niort en a validé trois, estimant « que le principe d’égalité (avec les couples hétérosexuels) impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation et qu’il n’appartient pas au tribunal de s’interroger sur le mode de conception de l’enfant, cette interrogation n’étant pas formulée dans le cadre de l’adoption au sein d’un couple de sexes différents ».
La saisine pour avis de la Cour de cassation est un instrument facultatif et non contraignant, mis à la disposition des juges pour remédier à la lenteur de la formation d’une jurisprudence sur une question de droit nouvelle. Elle vise, par son caractère officiel et par l’autorité de la haute juridiction, à unifier plus rapidement l’interprétation du droit et à assurer la prévention des contentieux et voies de recours.
De son côté, l’association Juristes pour l’enfance, partenaire de La Manif pour tous, a appelé les hauts magistrats à protéger les enfants « contre des processus de fabrication d’enfants adoptables (…) délibérément privés de leur père (…) pour satisfaire le désir d’enfant d’autrui ».