L’ancien garde des Sceaux de François Mitterrand, incarnation de l’abolition de la peine de mort en France, milite de longue date pour les droits des homosexuels. Dans un entretien pour letemps.ch, il revient sur son engagement contre l’homophobie et la pénalisation de l’homosexualité dans le monde.
J’ai toujours lutté contre l’homophobie, expression odieuse d’une discrimination à raison d’une inclination sexuelle. La sexualité entre adultes consentants ne relève que de leur libre arbitre et du droit de tout être humain à disposer librement de son corps hors la vue des tiers. Les pratiques sexuelles entre adultes relèvent de l’intimité de la vie privée et le législateur n’a aucune qualité pour intervenir dans ce domaine en édictant, par des sanctions pénales, une police des corps. Je tire fierté d’avoir, en 1982, comme ministre de la Justice, soutenu devant le parlement le texte abolissant en France le délit d’homosexualité.
>> Quel est le point commun entre cet engagement et d’autres combats que vous avez menés, comme celui pour l’abolition de la peine de mort?
Robert Badinter : L’abolition de la peine de mort témoigne du respect absolu de la vie humaine dans une démocratie. La suppression des lois répressives ou discriminatoires contre les homosexuels et les lesbiennes repose sur l’égale dignité des êtres humains quelles que soient leurs affinités sexuelles.
>> Quelles réponses opposer à ceux qui justifient leurs réticences à dépénaliser l’homosexualité en évoquant, comme on l’entend souvent dans les pays arabes ou en Afrique, des arguments de traditions, une culture ou des mentalités différentes?
Robert Badinter : Les droits de l’homme sont, par définition, les droits de TOUS les êtres humains quels que soient leur sexe, leur couleur, leurs croyances, leurs convictions religieuses ou non, ou leurs mœurs. Les différences culturelles ne sauraient justifier les atteintes à la personne humaine et à ses droits fondamentaux, ou c’est en fini de l’universalisme, c’est-à-dire des droits de l’homme eux-mêmes. Nul ne saurait demeurer indifférent à la violation des droits de l’homme dans le monde, quels qu’ils soient et où que ce soit. Les homosexuels – et pas seulement eux – des Etats occidentaux ont beaucoup lutté pour obtenir l’égalité de droits, de libertés et de respect de leur dignité. La lutte ne doit pas s’arrêter à la frontière des démocraties. L’universalisme des droits de l’homme commande l’universalisme de la lutte pour la reconnaissance de ces droits.
Par Angélique Mounier-Kuhn