MARIAGE GAY – «Homophobie»: mot emprunté à l’anglais homophobia, qui signifiait, d’abord, «peur de l’homme». «Homo» s’est ensuite mis à référer à «homosexuel». L’homophobie, aujourd’hui, c’est la peur de l’homosexuel(le). Mais n’est-ce pas, en fin de compte, la même chose?
Les cars d’opposants au mariage pour tous se remplissent, vrombissent, les rouages de la société qui veulent exclure leur minorité, trop différente, huilent leur mécanisme. Qui veut monter dans mon car? «Un bus en bas de chez moi», c’est le mot d’ordre des bénévoles lillois.
Parmi ceux qui tractaient sur le marché de Lyon dimanche 6 janvier au matin, dont les propos étaient retransmis sur France Inter, ce monsieur: «On n’a rien contre, mais c’est dénaturé quand même». Dénaturé. Tiens donc. Dénaturé, c’est, d’après le Grand Robert «altéré jusqu’à perdre les caractères considérés comme naturels, chez l’homme». «Considérés comme naturels» importe beaucoup. Dès la définition, la subjectivité s’immisce, avec le doute. Perversion de l’ordre de la nature.
À l’état de nature, ô comme j’aurais aimé le connaitre celui-là, les hommes sauvages croquent-ils dans les pommes cueillies à même les arbres en copulant gaiement avec les femelles du sexe opposé uniquement? Le mariage, les flonflons à la française, l’encens du prêtre et les cloches de l’église ont-ils été pondus au premier jour de la nature, paradis que l’on fantasme au gré de nos schémas familiaux et préjugés sociologiques?
Alan Turing, inventeur génial du système informatique, était homosexuel. En 1952, il fut contraint, pour éviter la prison, de prendre des oestrogènes, castration chimique oblige, afin de redresser la dépravation sexuelle, tellement peu naturelle. On le retrouva mort, deux ans plus tard. Suicide au cyanure, injecté dans une pomme à demi croquée à côté de son lit. Loin de la pomme du paradis. Dénaturé.
La manifestation prévue le 13 janvier mobilise sur la peur. Il n’est besoin que d’écouter les arguments de ces bénévoles, catholiques ou non, car beaucoup de catholiques refusent de jeter l’anathème sur leurs citoyens homosexuels.
«Rendez-vous compte!» protestent les bonnes gens; et aussi, «pourquoi pas le mariage polygame?» Cet argument, il marche bien, on se le recommande, car il fait peur, associé qu’il est aux sociétés auxquelles c’est sûr que nous ne voulons pas ressembler, sociétés qui n’ont tellement rien à voir avec les nôtres qu’elles sont loin, mais alors très loin, d’accepter le mariage homosexuel. Avec leurs millions de tracts anti-mariage pour tous, c’est la peur que tractent les opposants, peur que l’on active en faisant croire aux gens qu’il s’agit d’un choix de société. Mais la réalité, elle, existe déjà, et résiste. La réalité, qui est notre société de fait, inclut des homosexuel(le)s qui s’aiment, qui ont envie qu’une cellule familiale, issue de leur amour, ait droit d’existence. Certains psychologues ont beau arguer de la nécessité de la différenciation, celle-ci existera toujours, à titre individuel déjà, et la société, juste à côté, fournira celle des sexes. Ces enfants ne vivront pas dans une bulle isolée, à l’abri de tout schéma structurant. Ce n’est pas ce que leurs parents souhaitent, justement. Ce dont souffrent le plus les enfants de couples homosexuels, c’est de l’homophobie que les parents «normaux» inculquent à leurs enfants.
Il ne reste qu’à faire de cette société de fait une société de droit. Où l’amour du voisin, homosexuel ou pas, sera traité à égalité avec les autres. Car il ne vaut pas moins.
Avant de monter dans le car, dimanche, écoutez votre coeur, pas votre peur. Où est la menace? Que la différence existe? Pourquoi ne pas en profiter? «Variety is the very spice of life, that gives it all its flavour»: «la différence, c’est le sel de la vie, qui lui donne toute sa saveur», disait le poète William Cowper.
Si vous montez dans le car, soyez bien sûr d’avoir sondé votre pensée. Ne soyez pas un peuplon, ou un mouteuple, sheeple en anglais, contraction de sheep et people. Et faites bien attention, car 8% des moutons sont homosexuels. Dénature, quand tu nous tiens.
L’homosexualité n’est pas un problème. L’homophobie, elle, en est un.