J’ai révélé mon homosexualité il y a 15 ans, la « Manif pour tous » m’a indignée !
Aujourd’hui, ça fait 15 ans. 15 ans que mes parents, ma famille et mes amis savent qui je suis. 15 ans que contrainte, la peur au ventre, je leur ai annoncé que je suis homosexuelle. Mais l’anéantissement de ma mère, c’était hier. Les désirs de mon père, eux, s’évanouissent encore aujourd’hui sous le poids du mot. Il ne conduira pas sa fille à l’église.
Il faut comprendre une chose. Une personne qui annonce son homosexualité doit avoir du cran. Oui, du cran pour affronter le regard de sa chair et savoir lui faire entendre qu’elle n’est pas fautive. Du cran pour mener un amour inconditionnel à la potence et attendre de savoir s’il y sera gracié. Savoir si l’on sera seul même si entouré de tous, ou seul et solitaire contraint dans la cité. L’éternel enfant devient alors parent avant l’heure, pédagogue malgré lui pour éduquer, pour savoir dire « je vais bien ». Analyste, pour faire comprendre qu’il n’est pas malade. Enfin honnête, pour affirmer que ce n’est pas un choix.
Mais le temps fait son oeuvre. La blessure que l’on panse revient les jours de pluie. Puis un jour, elle agguérit.
Parce que je suis heureuse, ils acceptent qui je suis. Heureuse et pourtant…
Voici quelques semaines que les mots glissent sous ma porte, qu’ils pénètrent mon for, s’immiscent sous mes draps, me font battre les tempes, me noient dans une torpeur abyssale. J’ai dû affronter mes maux dimanche dernier. Les approcher, les côtoyer, apprivoiser la douleur pour mieux la comprendre. Comprendre pour mieux excuser ? Il n’en est rien. J’ai vu. C’est à en chialer.
J’ai vu des gens qui pourraient être ma famille (il y en avait). J’ai vu des gens qui ne comprennent pas. J’ai surtout vu des gens qui ne comprennent pas ce qu’ils font là.
J’ai vu des bourreaux, ceux qui exécutent sans connaitre le procès, ceux qui, par pauvreté d’âme, ou par ralliement à la voix du plus fort, assassinent impunément. J’ai vu ceux qui font boire la ciguë. J’ai vu le maitre tenter de ravir la liberté de l’esclave, j’ai vu l’occidental juger le sauvage.
Oui, je suis descendue dans l’arène. Happée, j’ai foulé la piste, j’ai senti le souffle et la rage des fauves. Ne pas baisser le regard, surtout ne pas baisser le regard. M’y confronter.
J’ai vu des gens qui manifestent pour dire non à l’homosexualité sous couvert d’un refus à la filiation. J’ai vu des gens habillés comme vous, comme moi, comme mes parents, la même chair, le même sang. J’ai vu une femme Barjot et un gamin décoloré comparer François Hollande à Hitler. J’ai vu des icônes, des figures désincarnées, insipides et insensées. J’ai vu l’instrument politique prostitué, déguisé, travesti au profit d’intérêts personnels et servir l’orgueil de ceux qui dirigent le bal. Je ne comprends pas leur revendication.
Mais le pire, car oui le pire est à venir. J’ai vu les parents d’au moins un enfant homosexuel défiler ce jour-là. J’ai vu leur enfant réduit à la loi du silence, j’ai vu une vie annihilée. J’ai vu un enfant qui ne grandira jamais, j’ai vu un enfant qui n’aura jamais le droit d’aimer, j’ai vu un enfant mort avant d’avoir vécu. J’ai vu les bourreaux. C’est terminé, je ne retournerai plus jamais dans l’arène.