La Manif pour tous perd en cassation face à Act-Up Paris : « une vraie victoire de la liberté d’expression »

Le collectif accusait l’association d’« injures publiques » pour avoir notamment placardé, le 4 août 2013, des affichettes avec le logo de la Manif barré de la mention « homophobes », sur la façade de la fondation Jérôme-Lejeune, où travaillait Ludovine de la Rochère.

En première instance, la plainte avait été jugée irrecevable « pour un problème de procédure ». Mais la cour d’appel de Paris a eu une appréciation différente et condamné, en novembre 2016, l’ex-présidente d’Act-Up, Laure Pora, qui s’est donc pourvue en cassation.

La Cour vient finalement d’annuler la condamnation, estimant que l’emploi du qualificatif « homophobes » à l’égard de la Manif pour tous « s’inscrivait dans le débat d’intérêt général sur la loi autorisant le mariage des couples de même sexe », auquel le mouvement « s’était vivement opposée », tandis qu’Act-Up Paris « avait milité en sa faveur ».

Relevant « d’une libre opinion sur l’action et les prises de position » de la Manif pour tous, ce terme « ne dépassait pas les limites admissibles de la liberté d’expression », a conclu ce mardi 23 janvier la haute juridiction, qui n’a pas non plus considéré nécessaire d’ordonner un troisième procès.

La Manif a réagi dans un communiqué, affirmant n’avoir « jamais été mise en cause ou poursuivie pour une quelconque homophobie, pas plus que pour une insulte à l’égard de quiconque » mais « au contraire toujours appelé au respect de toute personne et de l’intérêt général », refusant cependant « que l’on étouffe le débat sous les anathèmes et les caricatures. »

L’avocat de Laure Pora, Patrice Spinosi, s’est félicité auprès de l’AFP d’« une vraie victoire de la liberté d’expression et reconnaissance que la dénonciation de ‘l’homophobie’ de la Manif pour tous s’inscrivait bien dans le débat général qui a eu lieu lors de l’adoption de la loi sur le mariage des couples de même sexe ».

Act Up-Paris salue une réouverture des champs d’expressions, « mais face à la Manif pour tous, et aux réactionnaires de tous ordres qui essaiment dans les partis politiques de droite, jusqu’au gouvernement (tels Gérald Darmanin), nous ne saurions proclamer que notre victoire est totale ».

La Cour a « resitué notre action dans un cadre d’expressions d’idées politiques, et non de la seule injure comme expression interpersonnelle d’une inimitié entre deux parties au même niveau. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, de dénoncer un ordre inégalitaire, et cELLEux qui l’alimentent : l’adjectif « homophobe » n’est pas pour nous une injure, mais une caractérisation politique d’un propos qui méprise les gouines et les pédés, cautionne l’inégalité en droit avec les hétéros, alimente les discriminations et les violences, ainsi que les contaminations  », poursuit l’association.

« Comment faut-il sinon désigner cELLEux dont les paroles et les actions s’opposent régulièrement à tout ce qui pourrait servir à l’émancipation des personnes LGBT ? »

Ludovine de la Rochère a par ailleurs souhaité se pourvoir en cassation suite à l’arrêt la déboutant de sa volonté de condamnation d’Act Up-Paris, dans cette même affaire, « pour diffamation ». Un pourvoi « qui va à l’encontre de la jurisprudence actuelle. Comme le renversement en cassation de la condamnation de Christine Boutin l’a montré, nous ne sommes pas à l’abri de revirements dans ce type d’affaire », conclut l’association.