La PMA, victime de l’opposition au mariage homosexuel ?

C’était un engagement clair du PS, écrit noir sur blanc page 39 de son projet présidentiel : « Pour assurer l’égalité des genres et des familles, nous ouvrirons pour tous les couples le droit au mariage, à l’adoption et à l’accès à l’assistance médicale à la procréation. » Mais si le mariage homosexuel a été voté, le 23 avril, après des mois de débats houleux et de manifestations hostiles, l’assistance médicale à la procréation (AMP, plus souvent appelée PMA), elle, pourrait bien être sacrifiée sur l’autel du nécessaire apaisement des esprits.

Dans un entretien à Rue89, Dominique Bertinotti, ministre de la famille, ne s’en cache d’ailleurs pas : « Il faudra en reparler dans trois ou quatre mois. Tant qu’il n’y a pas d’apaisement sur le mariage et l’adoption, on ne peut pas. Si c’est pour se réagiter, ça n’a pas de sens. Il faut peut-être que les premiers mariages aient lieu… Des couples vont sortir de l’ombre. Là, il y a trop de choses qui ont besoin d’être mûries. » Bref, il est urgent d’attendre avant de relancer un nouveau débat national sur une question sensible.

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La PMA, un vieil engagement du PS, sur lequel Hollande était flou

Malgré ce qu’ont martelé durant des mois les anti-mariage gay – au point de le faire passer pour une vérité – la loi qui a été adoptée ne contient aucun article évoquant l’assistance médicale à la procréation, et parmi les techniques de cette dernière, aucune référence à la gestation pour autrui (GPA), qui a pourtant été au cœur des arguments opposés au mariage. La GPA reste interdite en France, et la PMA réservée aux couples hétérosexuels.

Le terme générique de « PMA » est le plus souvent improprement employé, pour désigner les techniques d’insémination artificielle et de fécondation in vitro. A l’heure actuelle, c’est la loi bioéthique de 2004, reprenant celle de 1994, qui régit le recours à la PMA. Le texte stipule que l’assistance médicale à la procréation « a pour objet de remédier à l’infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué. Elle peut aussi avoir pour objet d’éviter la transmission à l’enfant d’une maladie d’une particulière gravité. L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans et consentants préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination. » Un « couple » s’entendait jusqu’ici comme un couple hétérosexuel. Et il est interdit à des célibataires de recourir à la PMA. D’où la revendication, ancienne, des associations lesbiennes, à cet égard.

L’engagement à ouvrir les techniques de PMA aux lesbiennes figurait bien dans le programme socialiste. Mais il avait disparu de celui de François Hollande. Sa fameuse proposition 31 dit : « J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels. » Mais ne mentionne pas les techniques d’insémination et de fécondation in vitro, sur lesquelles il n’a jamais été très explicite. Dans un entretien à Têtu, le 29 avril 2012, le candidat avait pourtant promis : « Oui, je l’ai dit [je suis favorable à la PMA]. Aux conditions d’âge, bien sûr. Je suis très précis là-dessus. Il faut que ce soit un projet parental. Et je suis aussi très soucieux du respect de l’anonymat du don des gamètes. En revanche, je suis hostile à la gestation pour autrui, la GPA. »

En réalité, comme dans plusieurs autres domaines, François Hollande s’est montré assez flou. Comme le rappelait lexpress.fr, son discours sur la PMA a varié selon les audiences. Ainsi, il avait promis à l’Association des parents gays et lesbiens d’ouvrir la PMA aux couples de femmes, mais souligné dans Libération la difficulté de faire passer ces textes de loi. Dans une réponse au courant « homosexualité et socialisme », en 2011, il évoquait le « droit de l’enfant » et ne parlait pas de PMA.

De reculs en reculs

Cette absence de cap clair s’est assez vite traduite par un flou dans la réalisation des engagements présidentiels en la matière. La PMA devait dans un premier temps être intégrée à la loi sur le « mariage pour tous ». Mais rapidement, le gouvernement a décidé de ne pas l’inclure, limitant la loi au mariage et à l’adoption. Et François Hollande d’avoir cette réponse ambiguë, en marge d’une conférence de presse, le 12 décembre : « Si j’avais été favorable [à cette mesure], je l’aurais intégrée dans le projet de loi (…) A ce stade, j’ai considéré qu’il y avait le mariage et l’adoption. Si le Parlement – et je crois qu’il y aura des propositions d’amendements – décide d’aller dans le sens de la procréation médicalement assistée, le Parlement est souverain. »

Mais en réalité, les députés socialistes sont divisés sur le fait de proposer un amendement concernant la PMA dans la « loi mariage ». Et s’interrogent, avant de finalement déposer l’amendement fin décembre. Puis d’y renoncer, en janvier, contre la promesse que la PMA sera discutée dans le cadre d’une « loi famille », en mars. Ecologistes et députés socialistes pro-PMA ne cachent pas leur amertume. Ils ne sont pourtant pas au bout de leurs peines. Alors que l’opposition au texte de loi sur le mariage gay progresse, avec une première grande manifestation couronnée de succès, le 13 janvier, le gouvernement veut donner des gages. Notamment pour répondre aux accusations de n’avoir pas assez consulté d’instances représentatives.

Le 3 février, alors que le député EELV Serge Coronado demande au gouvernement des précisions sur le calendrier de la « loi famille », Dominique Bertinotti ne parle plus du printemps, mais d’un texte « avant la fin de l’année ». Mais une heure plus tard, Matignon recadre la ministre : rien n’est arrêté, car il faut attendre l’avis du comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui doit être consulté sur les lois touchant à la bioéthique. « D’ici à mars, ça sera trop court. [Le Comité d’éthique] n’aura pas le temps de rendre un avis. Il a lui-même évoqué la nécessité d’un débat public », dit-on dans l’entourage du premier ministre. En visite au Cambodge, ce dernier confirme, et estime que Mme Bertinotti « ne peut pas dire cela, dans la mesure où elle ne connaît pas la date de réponse du CCNE ».

Le CCNE, comité peu sollicité, aux avis consultatifs, devient donc l’arbitre du calendrier législatif, voire de la modification ou non des règles sur la PMA. François Hollande va plus loin encore, le 25 mars, au lendemain d’une seconde grande manifestation hostile à la loi sur le mariage. Le chef de l’Etat annonce, en effet, qu’il attend les conclusions du comité non seulement pour fixer le calendrier de la loi, mais pour décider s’il y aura ou non une loi sur la PMA.

Le CCNE a évoqué la possibilité d’ouvrir des états généraux autour de la question de la PMA. Mais il a aussi rappelé que son approbation n’était pas une nécessité. La loi pourrait passer même s’il rendait un avis négatif. D’où la colère des associations LGBT et de certains députés contre cette grande prudence présidentielle, qui s’apparente à un recul.

Et maintenant ? La loi sur le mariage a été votée le 23 avril dans la douleur, et après de très nombreuses manifestations. Mais sur la PMA, il semble surtout urgent d’attendre. La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a ainsi botté en touche, sur I>Télé mardi : « Le gouvernement peut aussi se défaire de l’avis qui lui est rendu, mais il apporte un éclairage qui sera utile au débat. (…) Nous attendons cet avis, qui devrait être rendu aux alentours du mois d’octobre, et nous y verrons beaucoup plus clair d’ici à la fin de l’année 2013. »

Tout semble donc indiquer que le gouvernement et l’Elysée sont peu désireux de relancer la mobilisation des anti-mariage sur un autre sujet, et veulent attendre que la fièvre retombe.

Samuel Laurent

Un recours possible devant la CEDH ?

Dès lors que les homosexuels sont autorisés à se marier dans les mêmes conditions que les hétérosexuels, pourquoi n’auraient-ils pas accès à la procréation médicalement assistée au même titre que les couples hétérosexuels. Puisque la loi autorise la PMA dans les cas d' »infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué », pourquoi un couple lesbien dont l’une des partenaires serait frappée d’infertilité ne pourrait-il pas en faire la demande ? Ces contradictions pourraient-elles être plaidées devant la justice ?

Un cas pourrait être rapproché de cette question : celui de Valérie Gas et Nathalie Dubois, deux femmes qui ont été devant la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour plaider le droit pour Mme Dubois d’adopter l’enfant conçu en 2000, par PMA, par Mme Gas. En mars 2012, la CEDH n’a pas condamné la France. La Cour a jugé que le partage de l’autorité parentale que confère une adoption simple était réservé aux couples mariés. De ce fait, la Cour a jugé qu’on ne pouvait questionner le fait qu’un couple Pacsé n’ait pas les mêmes droits – notamment à la PMA – qu’un couple marié.
Mais l’avocate Caroline Mecary, qui avait plaidé cette affaire, est catégorique : l’autorisation du mariage ne débouchera sans doute pas sur une condamnation de la France par la CEDH.

Pour une raison simple, explique-t-elle au Monde.fr : « Toutes les procédures qui ont donné lieu à des arrêts de CEDH partent de demande de citoyens ordinaires, qui veulent avant tout résoudre un problème concret. Pour qu’un cas [de condamnation de la France par la CEDH] soit possible, il faudrait qu’un couple lesbien vienne me voir avec la notification d’un refus de PMA par un centre. On débuterait alors une action judiciaire, avec des argumentaires, etc. En première instance, le juge rejetterait la demande, on ferait appel, et la cour d’appel confirmerait son jugement. Idem en cassation. On est déjà à cinq ans de procédure. Ajoutez-en cinq autres pour aller devant la CEDH ». Une décennie, donc.


François Hollande sur la PMA : « cette question… par lemondefr

Or, explique l’avocate, « les gens qui ont envie d’un bébé vont en Belgique ou ailleurs », plutôt que de se perdre en d’interminables procédures. Une saisine est donc peu probable. Aucun dossier n’est actuellement en cours sur cette question à la CEDH, il faudrait donc attendre une décennie, avec la probabilité qu’une loi soit votée dans l’intervalle. Et rien ne garantit qu’au bout de ce délai, la CEDH reconnaisse le caractère discriminatoire de la PMA.

Par Samuel Laurent