La Russie a officiellement lancé en septembre 2024 un nouveau type de visa destiné aux étrangers affirmant partager ses « valeurs spirituelles et morales traditionnelles ». Entrée en vigueur le 1er septembre dernier, cette mesure, voulue par Vladimir Poutine, s’inscrit dans un contexte de durcissement idéologique du Kremlin, qui oppose de plus en plus frontalement son modèle conservateur aux démocraties libérales occidentales.
Un visa sans test, mais pas sans conviction
Ce nouveau visa de résidence, valable trois ans, pourra être délivré à ceux qui rejettent les orientations politiques de leur pays d’origine, jugées « néolibérales destructrices » par Moscou. Contrairement aux procédures classiques d’installation en Russie, il ne nécessite ni test de langue ni examen de culture générale. Il suffit d’adhérer aux principes promus par le pouvoir russe, parmi lesquels le rejet du mariage entre personnes de même sexe, une critique des mouvements féministes ou encore la défense d’un rôle central pour la religion.
Pour les autorités russes, il s’agit d’un accueil « idéologique » accordé à ceux qui affirment être persécutés en raison de leurs convictions conservatrices. Le ministère russe des Affaires étrangères prévoit de publier une liste des pays considérés comme vecteurs de « décadence morale ». Sans surprise, les nations occidentales comme la France, les États-Unis ou l’Allemagne y figureraient.
Une réponse politique et symbolique
Ce visa s’inscrit dans une stratégie de longue date du Kremlin visant à opposer un modèle « moralement sain » à celui des démocraties libérales. Vladimir Poutine accuse régulièrement l’Occident de promouvoir des « valeurs sataniques », une rhétorique de plus en plus présente dans les discours officiels depuis l’invasion de l’Ukraine.
Les ressortissants chinois, indiens ou afghans ne sont pas concernés par cette mesure, qui cible avant tout les citoyens de pays critiquant la politique russe. À Moscou, certains expatriés occidentaux saluent cette initiative sur les réseaux sociaux, voyant dans ce visa une opportunité de « tourner le dos à l’Occident dévoyé ». Toutefois, les demandes restent marginales, et s’installer durablement en Russie dans le contexte actuel demeure un parcours semé d’embûches.
Une instrumentalisation des persécutions
Pour les défenseurs des droits humains, ce visa soulève des inquiétudes. Il pourrait renforcer la stigmatisation des personnes LGBT+, féministes ou non-religieuses, perçues comme des menaces à l’unité nationale. Plusieurs ONG rappellent que la Russie a interdit la « propagande LGBT+ » en 2022, et intensifie depuis sa répression des minorités sexuelles et de genre.
En se posant comme terre d’asile pour les conservateurs déçus de leur pays, Moscou tente d’inverser le récit habituel des persécutions politiques. Une posture qui, selon les experts, vise autant à séduire une partie de l’opinion étrangère qu’à renforcer la cohésion idéologique en interne.