Saisie d’un cas particulier, la Cour constitutionnelle a donné à la Chambre des députés allemands jusqu’au « 31 décembre 2018 » pour voter la légalisation d’un « troisième sexe » sur les registres de naissance, à côté des mentions « masculin » et « féminin ».
Dans l’intervalle, l’administration allemande ne pourra pas contraindre à choisir de s’identifier en tant que masculin ou féminin les personnes intersexuelles, c’est-à-dire présentant des caractéristiques anatomiques, chromosomiques ou hormonales ne relevant pas strictement d’un sexe ou l’autre, a également précisé la Cour, ce 8 novembre.
Pour les magistrats, le droit général de la personnalité couvre aussi « l’identité sexuelle » y compris des personnes qui « ne peuvent être durablement classées dans la catégorie sexuelle masculine ou féminine ». Ils ont jugé que la loi existante « discriminatoire » , soulignant « l’importance extrême de la classification pour l’identité individuelle », indique l’AFP.
Il était déjà possible en Allemagne, depuis mai 2013, de ne pas renseigner le champ relatif au sexe dans les documents administratifs. Les intéressés pouvant ensuite, au cours de leur vie, faire le choix ou conserver la mention du sexe non renseignée.
La Cour fédérale de justice, une instance inférieure, avait pourtant refusé en août 2016 d’aller plus loin et de reconnaître l’existence juridique d’un troisième sexe, jugeant que ce ne serait « pas légal ». Elle avait rejeté la demande d’une personne intersexuelle, née en 1989 et enregistrée avec le sexe féminin. Soutenue par l’association allemande « Dritte Option », cette personne s’est alors tournée vers la Cour constitutionnelle et a présenté aux juges suprêmes des analyses chromosomiques mettant en évidence qu’elle n’était ni un homme ni une femme.
« Nous sommes stupéfaits et sans voix », a réagi sur Twitter l’association Dritte Option, qui parle d’une « petite révolution ».
La Haute Autorité fédérale de lutte contre les discriminations a elle aussi salué une décision « historique » tandis que l’Institut allemand des droits de l’homme a exigé d’aller plus loin avec une « loi sur la diversité sexuelle ».
Le ministère de l’Intérieur, compétent sur ce dossier, a assuré que le gouvernement allemand était « tout à fait disposé » à appliquer le jugement de la Cour en préparant un projet de loi en ce sens.
L’Allemagne deviendrait ainsi le premier pays en Europe à reconnaître officiellement un troisième genre.
En mai, la France avait rejeté la mention « sexe neutre », écartant la demande d’une personne, née « sans pénis, ni vagin ». La Cour a évoqué « des répercussions profondes sur les règles du droit français », construites à partir de la binarité des sexes, et « de nombreuses modifications législatives ».
Ailleurs dans le monde, plusieurs pays, dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde ou le Népal, ont reconnu un troisième sexe ou genre. Aux Etats-Unis, la ville de New York a délivré en 2016 le premier certificat de naissance portant la mention « intersexe ».