Dans la nuit de vendredi à samedi, des inconnus ont d’abord débranché l’alimentation de la soufflerie qui maintient la structure gonflable, érigée à titre provisoire dans le cadre de la programmation «Hors les murs» de la Foire internationale d’art contemporain (Fiac). Puis, pendant que l’agent de sécurité était parti rebrancher la prise, les vandales ont sectionné plusieurs des sangles maintenant l’oeuvre, sans toutefois toucher à l’enveloppe elle-même, avant de prendre la fuite. Les responsables ont alors choisi de dégonfler la structure, potentiellement déséquilibrée. Et comme il se trouve que c’était depuis plusieurs mois le terrain de jeu des pseudos « Veilleurs » et acolytes du printemps français… on imagine bien la suite.
La ministre de la Culture Fleur Pellerin a réagi samedi matin sur son compte Twitter, s’indignant contre la dégradation de l’œuvre, rappelant qu’il s’agissait d’une infraction pénale et apportant tout son soutien à l’artiste.
La maire de Paris Anne Hidalgo a affirmé que «Paris ne cèdera pas aux menaces de ceux qui, en s’en prenant à un artiste ou à une oeuvre, s’en prennent à la liberté artistique».
La sculpture qui rend fou
Etrange comme une simple sculpture gonflable, installée dans le cadre du parcours hors les murs de la Fiac, la foire internationale d’art contemporain de Paris, peut rendre fou. Jeudi, l’artiste provocateur Paul McCarthy a dressé place Vendôme son œuvre de 24,4 m de haut, Tree, en toile plastique verte. Elle représente en théorie un arbre de Noël mais fait aussi penser à un plug anal, ces sex-toys utilisés pour se donner du plaisir par l’orifice arrière. L’ambiguïté, qui devrait faire sourire, n’a pas plu à tout le monde. Lors de l’érection de l’œuvre, un individu s’en prend physiquement à l’artiste américain de 69 ans et «le frappe trois fois au visage en hurlant qu’il n’est pas français et que son œuvre n’a rien à faire sur cette place, avant de partir en courant», rapporte une journaliste du Monde. «Paul McCarthy va très bien», relativise vendredi l’agence Claudine Colin, en charge de la com de l’événement, évoquant une bousculade plutôt qu’une agression.
Depuis l’installation de Tree, le Printemps français et la Manif pour tous crient au scandale sur Facebook et Twitter. Les Veilleurs continuent souvent de passer la journée devant le ministère de la Justice, dont l’entrée est aussi place Vendôme. Ils râlent donc désormais en outre contre l’utilisation de nos impôts, la justice que l’on peut se mettre dans le cul, l’art contemporain qui ne sert à rien, etc. Sauf que l’installation est provisoire (le temps de la Fiac) et qu’elle est financée par des fonds privés, en l’occurrence la branche anglaise de la galerie Hauser & Wirth. Seul l’espace est alloué gratuitement par la mairie de Paris, comme chaque année.
Quant à savoir s’il s’agit d’un plug anal ou d’un arbre, c’est un peu au choix (on opte pour la première réponse). L’artiste, adepte des formes ambiguës, laisse cependant la porte ouverte. «Tout est parti d’une plaisanterie : à l’origine, je trouvais que le plug anal avait une forme similaire aux sculptures de Brancusi, a-t-il expliqué au Monde. Après, je me suis rendu compte que cela ressemblait à un arbre de Noël. Mais c’est une œuvre abstraite. Les gens peuvent être offensés s’ils veulent se référer au plug mais, pour moi, c’est plus proche d’une abstraction.»
Pour sa réouverture, prévue le 24 octobre, la Monnaie de Paris présentera une grande exposition sadico-anale de Paul McCarthy, dont le titre, «Chocolate Factory» (usine à chocolats), fleure déjà bon. Samedi, la Fiac a affiché son intention de réinstaller le «Tree», mais son regonflage attendait que tous les «éléments techniques» soient réunis.