Le débat sur le mariage pour tous a « libéré la parole homophobe » y compris sur le lieu de travail, estime le rapport annuel de l’association SOS Homophobie.

Employé de banque, Laurent retrouve un matin la une d’un journal sur le mariage pour tous placardée sur sa porte de bureau, puis essuie des insultes de collègues. Jean est soudainement mis à l’écart et entend des remarques homophobes dans les rangs de son syndicat. Jacques se fait appeler « la grosse folle » par un fournisseur, mais son patron lui conseille de ne rien dire.

Dans son rapport annuel publié ce mercredi 14 mai, SOS Homophobie a recueilli 191 témoignages de discriminations liées à l’orientation sexuelle au travail. Les signalements sont en légère baisse par rapport à 2012 -220 actes- et ne représentent plus que 5% des cas, face au déferlement des propos homophobes repérés sur Internet ou en milieu scolaire. Mais le débat sur le mariage pour tous, qui a exacerbé les tensions selon l’association, n’a pas épargné les entreprises.

Pétitions, courriels et tracts syndicaux

« Les témoignages montrent une libération évidente, au cours de la période de débats sur le mariage pour tous, de la parole homophobe dans le monde professionnel, avec des discours récurrents, sur le lieu de travail, contre l’évolution de la loi, avance l’association. Le monde du travail est ainsi devenu un lieu privilégié pour les appels à manifester contre l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Circulent alors dans les entreprises pétitions, courriels et tracts syndicaux contenant des propos clairement homophobes. »

La majorité des victimes -54%- dénoncent des insultes homophobes. 29% ont subi un harcèlement, 28% le rejet ou l’ignorance, 27% des discriminations, 23% de la diffamation, 19% des menaces ou chantages, 16% de l’homophobie « sociale » -l’impression d’évoluer dans un environnement où l’hétérosexualité est la norme unique-, et 8% des agressions physiques et des licenciements.

Le portrait type des salariés qui les subissent? Un homme -à 78%-, entre 35 et 50 ans, installé hors de l’Ile-de-France. Dans 45% des cas, les différentes formes d’homophobie sont exercées par les collègues, 35% par un supérieur hiérarchique, 14% par un client, fournisseur, patient ou élève, et 6% par un syndicat, médecin du travail, représentant du personnel, etc.

Un climat d’auto-censure

Pour un tiers des victimes, les comportements homophobes sont sources « d’arrêt de travail, de dépression, voire d’hospitalisation suite à une tentative de suicide ». Ils poussent aussi à une auto-censure des salariés qui cachent leur orientation sexuelle et renoncent à réclamer certains droits par crainte de réactions hostiles.

« Il devient impossible de parler librement de sa vie privée (vacances, famille) au travail, contrairement aux autres collègues, par peur du rejet, estime SOS Homophobie. De même, certaines victimes s’interrogent sur l’opportunité de signaler un Pacs ou un mariage à leur employeur, lorsque ce ou cette dernière est homophobe ou est soupçonné de l’être. »

Seul signal d’espoir dans un tableau toujours pessimiste, les victimes d’homophobie au travail sont plus nombreuses à recevoir du soutien: 44% contre 36% en 2012, surtout de la part de collègues (22%) ou d’un supérieur (14%). « Un médecin du travail qui rappelle à l’employeur l’importance des faits; un DRH qui accompagne une victime au commissariat pour le dépôt de plainte; une autre victime menacée de poursuites après avoir souligné le caractère homophobe de propos tenus par son directeur a reçu le soutien immédiat de ses collègues », égrène en exemple le rapport. La majorité des victimes ne trouvent toutefois aucun interlocuteur pour les aider à faire valoir leurs droits.

Par Alexia Eychenne
lexpress.fr