Après de longs et virulents débats, l’Assemblée nationale adopte aujourd’hui le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels.
>> Que la fête commence. Après des milliers d’amendements et d’heures de débats, après des centaines de kilomètres à battre le pavé en criant «égalité», après les injures et les coups durs, ils vont pouvoir enfin susurrer «veux-tu m’épouser ?», se cogner des EVJF (enterrement de vie de jeune fille) ou des EVJG (la version garçon), se dire oui à la mairie, lancer du riz, sourire devant les photographes, faire péter la nouba, se noyer dans le champagne, se mettre sur le toit, balancer son bouquet aux invités, et pourquoi pas, se faire arracher la jarretière – ou le slip – avec les dents… Bref pouvoir enfin s’adonner à tous ces rituels neuneu. Ou pas. Et puis, qui sait, un jour divorcer.
Officialiser. Aujourd’hui, quatorze ans après avoir adopté le pacs, les députés de gauche vont procéder au vote solennel de la «loi mariage pour tous». Et nul doute que ce sera oui. Oui au mariage pour les gays et les lesbiennes. Avec possibilité d’adopter à la clé. Et ce, n’en déplaise aux ténors de droite qui n’auront plus de noces à ronger. N’en déplaise aussi à ceux qui, dimanche, continuaient à dire leur opposition en marchant dans les rues de Paris. A rebours de l’histoire.
Mais combien seront-ils à se ranger ? Autrement dit, à officialiser leur union ? On sait seulement que 200 000 personnes vivent en couple avec une personne du même sexe. Que 6 fois sur 10, ce sont des hommes. Et qu’enfin, moins de la moitié (43%) des couples homos sont pacsées, d’après la dernière enquête de l’Institut national de la statistique et des études économiques (1). Bien. On notera par ailleurs que le mariage, jusqu’ici réservé aux hétéros, ne séduit guère que 241 000 couples par an.
Alors combien ? Eh bien difficile de faire des pronostics avec ces statistiques, même s’il est clair que le mariage a de réels atouts dans la corbeille. Plus sécurisant que le pacs, il protège le conjoint en cas de décès (héritage, pension de réversion). Surtout, il va permettre à des couples d’adopter des enfants déjà là, ou à venir. Sans oublier les cadeaux, le voyage de noce et tout le toutim (lire témoignages pages 4).
Des finauds ont déjà flairé la bonne affaire. Ainsi, Libération est heureux d’annoncer la tenue du premier salon du mariage gay baptisé fort sérieusement «the G-Day». Et ce, le 27 avril, rue de Valois à Paris. Dans un espace de 700 m2, les homos pourront, assure la brochure, «organiser en amont le plus beau jour de leur vie». Au menu 36 stands : de faire-part, de «gay-trip» (aussi appelés «voyages LGBT»), de traiteurs… Le tout, nous a-t-on précisé pour un public plutôt «haut de gamme». Et les lesbiennes alors ? Elles auront peut-être un corner l’an prochain.
«Dépoussiérer». En attendant, elles pourront se rabattre sur le premier Guide pratique du mariage homo, écrit par Océane Rose Marie (2), jusque-là connue pour son one-woman show la Lesbienne invisible. «L’idée est de dépoussiérer les guides de mariage tradis et ennuyeux, assure l’intéressée. De décomplexer ceux qui veulent faire comme les hétéros, mais aussi de donner des idées plus délirantes.» Exemples : un lancer de pop-corn à la place du riz (?!), une playlist «gay only» à base de Catherine Lara, Village People, Ricky Martin et Charles Trenet, sans oublier la tenue d’un quart d’heure hétéro dans la soirée, ou un nouveau calendrier des années de mariage (genre noce de skaï pour les deux ans, et de poppers – substance à inhaler – pour les 69 ans). «Tous les codes sont à réinventer», lance l’auteure, tout en soulignant qu’il y a autant de mariages que de couples.
Et d’ailleurs, au fond, qu’importe que les mariés soient en arc-en-ciel ou en blanc, qu’ils se marient par amour ou par sécurité, pourvu qu’il y ait du flonflon et du cotillon, avec des convives qui crient «Vive les marié(e)s» et finissent en chenille. Comme dans les bons vieux mariages hétéros.
Par Anne-Claire Genthialon et CATHERINE MALLAVAL