La famille sera au centre du rassemblement annuel de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), qui s’ouvre vendredi au Bourget sur fond de mobilisation croissante chez les musulmans contre le mariage homosexuel et les questions sur le genre.
Avec 160.000 visiteurs l’an dernier, le salon de l’UOIF, avec son « souk », ses conférences, son espace jeunesse et son « Pavillon Coran », est le plus gros rassemblement musulman du monde occidental.
L’islam est la deuxième religion de France après le catholicisme. L’Ifop estime à environ 3,5 millions le nombre des musulmans dans le pays, dont quelque 800.000 pratiquants réguliers.
Amples voiles, livres sur le prophète, petits plats hallal et musique orientale: une grande partie des visiteurs sont attirés par l’immense foire commerciale qui s’étire sur 20.000 m2. Mais les conférences de « savants » font aussi salle comble.
Pour sa 31e édition, de vendredi à lundi au Parc des Expositions du Bourget (Seine-Saint-Denis), l’UOIF, réputée proche des Frères musulmans, a choisi le thème « Quelles valeurs pour un monde en mutation? L’homme, la famille, le vivre-ensemble. »
« Les thèmes collent toujours à l’actualité », explique Amar Lasfar, président de l’UOIF, l’une des grandes branches de l’islam de France, qui fédère 250 associations et revendique des partenariats avec un tiers des 3.000 lieux de culte. « Le mariage pour tous, les ABCD de l’égalité…, ça heurte notre religion et ça nous inquiète », ajoute-t-il, en référence au programme d’éducation à l’égalité fille-garçon testé dans certaines académies.
Selon une rumeur savamment orchestrée et fermement démentie par le gouvernement socialiste, ce programme a été présenté comme préfigurant l’introduction d’une prétendue « théorie du genre » à l’école.
En janvier, il a nourri des appels au boycott des classes, qui ont été surtout suivis dans les quartiers populaires où vivent de nombreux musulmans. Malgré ses inquiétudes sur la « théorie du genre », l’UOIF a condamné ces Journées de retrait de l’école (JRE), refusant d' »utiliser les enfants dans les débats des grands ». De même, elle n’a pas voulu inviter à son grand raout l’initiatrice de ces JRE, Farida Belghoul.
« Nous sommes pour le débat mais nous ne voulons pas de polémique. Au vu de la conjoncture actuelle, c’est mieux qu’elle n’apparaisse pas avec nous », explique Amar Lasfar.
« Mauvais musulmans »
Les conférenciers invités par l’UOIF sont toujours scrutés à la loupe. En 2012, en pleine campagne présidentielle et après l’affaire Merah, le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait interdit d’entrée sur le territoire six orateurs, accusés de radicalisme. L’édition 2013 s’était déroulée sans publicité, même si l’égérie des manifestations d’opposants au mariage homosexuel, Frigide Barjot, s’était invitée dans les allées du Bourget.
Cette année, l’UOIF a invité 70 personnalités, dont les controversés Hani et Tariq Ramadan, petits-fils du fondateur des Frères musulmans, mais aussi le Père Christophe Roucou, chargé des relations avec l’islam à la Conférence des évêques de France, ou l’universitaire Raphaël Liogier.
L’organisation avance sur une ligne de crête, souligne une source au ministère de l’Intérieur: elle est soucieuse de ne pas redevenir la bête noire des autorités, mais elle cherche à regagner les coeurs des jeunes générations qui la jugent pas assez combattive sur l’islamophobie notamment.
« Pour eux, malgré un grand conservatisme sur les questions de moeurs, la menace suprême vient des salafistes », ajoute cette source. Ce que reconnaît aisément Amar Lasfar: « une partie des nôtres sont tentés par un repli identitaire. Les premiers à en souffrir, c’est nous. » C’est pourquoi le thème du « vivre-ensemble » a aussi été retenu pour cette rencontre. « Les conférenciers sont invités à s’exprimer sur le communautarisme », a précisé Amar Lasfar.
Le secrétaire général de l’UOIF, Okacha Ben Ahmed, s’attend à croiser le fer entre les stands: « Tous les ans, il y a ceux qui viennent pour la salle de conférence, le souk, les activités jeunesse ou ludiques. Et il y a nos détracteurs qui viennent nous accuser d’être des mauvais musulmans », dit-il. « Nous gérons ça, c’est la réalité de la communauté. »
AFP