Cela fait maintenant près d’un an que l’association SOS Homophobie dispose d’un compte de « signalant prioritaire » sur Twitter. Mais après un démarrage un peu difficile, le fameux dispositif visant au retrait de tweets et au déréférencement de hashtags est bel et bien monté en puissance, apportant ainsi davantage de satisfaction à l’organisation de lutte contre les discriminations à caractère homophobe et transphobe.
Le mois dernier, l’on apprenait que Twitter avait procédé au cours de l’année 2013 au blocage de 145 tweets en France (hors retraits justifiés par le droit d’auteur), un record mondial. Au travers de son « Transparency Report », le réseau social précisait avoir reçu durant le second semestre de cette même année plus de 300 demandes de retrait provenant d’une seule et même association. Si cette dernière n’était pas expressément nommée, c’est bien de SOS Homophobie dont il s’agissait.
Depuis mars 2013, l’organisation dispose en effet d’un compte de « signalant prioritaire ». À la clé, la possibilité de passer devant les internautes lambdas dans les notifications de tweets ou de hashtags jugés contraires à la législation française (injure, incitation à la haine,…). En somme, il s’agit d’un système à deux vitesses au travers duquel Twitter accepte d’étudier de manière privilégiée les signalements effectués par une organisation avec laquelle il a un partenariat – ici, SOS Homophobie. Mais in fine, le résultat reste le même : le réseau social garde la main pour décider seul des mesures à prendre. En cas de manquement, sa responsabilité peut être engagée de la même manière, sur le fondement de la LCEN (qui prévoit pour rappel qu’un hébergeur doit agir promptement dès lors qu’un contenu manifestement illicite est porté à sa connaissance).
En juin dernier, quelques semaines après la mise en place de ce dispositif, l’association avait cependant du mal à cacher sa déception : « Par rapport à rien, la moindre action est satisfaisante. Après… elle est encore insuffisante ! » nous expliquait-on. Aussi, SOS Homophobie rêvait d’une « plus grande coopération » de la part de l’entreprise américaine, notamment dans le traitement des notifications. Et pour cause, l’organisation n’avait pas encore obtenu de retrait de tweet, et seulement de quelques hashtags (voir notre article).
Après quelques difficultés, le partenariat avec Twitter « fonctionne plutôt bien »
Mais aujourd’hui, les choses semblent s’être améliorées. « Notre partenariat avec Twitter fonctionne plutôt bien » affirme ainsi Maître Étienne Deshoulières, membre référent de la commission des Biches du Net (pour « Brigades internet contre l’homophobie et le sexisme »). Selon lui, le réseau social « est assez réceptif sur les propos les plus graves : souvent des appels au meurtre, des appels à la haine ou à la discrimination d’une façon vraiment manifeste ». Dans ce genre de situation, assure l’intéressé, Twitter « accepte facilement de retirer les propos ».
« On est très actifs sur ce dossier-là » confie Étienne Deshoulières. Cependant, l’avocat reconnaît que « le sujet est un petit peu sensible… » L’association joue de ce fait la carte de l’opacité, refusant de communiquer à PC INpact des éléments chiffrés sur son action. Quelques chiffres sont néanmoins publiés sur le site Internet de SOS Homophobie, mais ils commencent à dater. Au 22 juillet 2013, trois hashtags avaient ainsi été retirés de la liste des Trending Topics/Tendances : #IlFautTuerLesHomosexuels, #UnMondeSansGays et #MortAuxGays. De plus, sept tweets avaient été bloqués aux utilisateurs français à cette même date (pour en savoir plus, voir ici).
Sachant qu’il y a eu 133 tweets retirés en France par Twitter entre le 1er juillet et le 31 décembre 2013, pour seulement trois requêtes émanant de tribunaux, la grande majorité de ces messages semble donc avoir été bloquée du fait de SOS Homophobie. Soit un résultat dépassant largement celui du semestre précédent…
Reste une question : pourquoi solliciter un retrait par Twitter plutôt que de saisir la justice ? « Il y a deux raisons, explique Maître Étienne Deshoulières. Quand un tweet homophobe vise une personne déterminée, une association de défense des droits des homosexuels ne peut pas porter plainte seule, sans l’aval préalable du destinataire du propos homophobe. La deuxième raison, c’est que porter plainte est un geste qui est interprété de manière forte par la presse et donc on le réserve aux cas les plus graves ». D’une manière plus générale, l’avocat explique que SOS Homophobie « préfère ne pas utiliser les voies répressives, mais plutôt les voies pédagogiques ou les partenariats ». L’organisation dispose d’ailleurs de moyens informatiques internes relativement importants, par exemple pour envoyer plus rapidement et de manière automatisée des demandes de retrait par email.
Xavier Berne
Journaliste, spécialisé dans les thématiques juridiques et politiques.