La supposée «théorie du genre» s’installe subrepticement en cette rentrée, selon ceux qui hier se mobilisaient contre la loi Taubira. Les autorités, elles, dénoncent un «fantasme»…
L’été est passé, les premiers mariages entre homosexuel-le-s ont été célébrés, sans fanfaronnade. Néanmoins, une partie de ceux qui se sont opposés à la loi ne sont pas encore prêts à déposer les armes. Après les manifestations, les veilles, les accueils de ministres et d’autres opérations plus ou moins suivies, les anti concentrent leurs efforts sur l’école. Car c’est là, selon eux, que se situe le péril, avec l’hypothétique arrivée de la «théorie du genre».
«Elle n’a pas sa place à l’école ou à la crèche, défend Ludovine de la Rochère, la présidente de la Manif pour tous, contactée par 20 Minutes. Nous souhaitons évidemment que hommes et femmes soient traités de manière égale, mais cela ne doit pas se faire en niant les différences et l’identité sexuelle.»
«Réflexion sur les rôles des garçons et des filles»
Pour la rentrée, le collectif «appelle les parents et les enseignants à créer des comités de vigilance dans les écoles pour faire remonter les abus». «Ce sera un peu informel», précise Ludovine de la Rochère, indiquant avoir renoncé à créer une association de parents d’élèves. Le mouvement entend en parallèle distribuer à la sortie des établissements des tracts et des brochures de huit pages, et mettre en ligne un document réalisé par «seize experts» sur la question.
Les «ABCD de l’égalité» expérimentés dans 500 écoles à la rentrée 2013 sont principalement dans la ligne de mire des opposants. Ces ateliers de 10 à 15h annuelles, mis en place par le ministère du Droit des femmes en collaboration avec celui de l’Education, ont pour but de «déconstruire les stéréotypes» filles-garçons dès le plus jeune âge. Ils s’adressent aux élèves du premier cycle, de la fin de la maternelle au CM2, et concernent plusieurs disciplines : l’histoire, le sport, l’art…
«Il ne s’agit pas, comme on l’entend, d’une volonté d’indifférenciation des sexes», signale-t-on au cabinet de Najat Vallaud-Belkcaem, mais d’une «réflexion sur les rôles des garçons et des filles». Alors dans l’entourage de la ministre des Droits des femmes, on peste contre cette «théorie du genre» qui «n’existe tellement pas que personne n’arrive à la définir». «On a bien compris que certains étaient contre le progrès», insiste-t-on au cabinet, qui s’agace de la «désinformation» véhiculée autour du dispositif ABCD.
Un «travail de contrôle de la pensée»
Nouveau venu dans la galaxie des opposants, le Collectif des Indignés pour la famille et la petite enfance (CIFPE) s’en prend, lui, à une initiative de la mairie de Paris sur la «prévention des stéréotypes sexués dans les établissements d’accueil de la petite enfance».
«Nos enfants ne sont pas des cobayes», lance le collectif, qui diffuse une pétition et une «recommandation» un peu extravagante. Le document rappelle ainsi des précédents «d’heureuses expérimentations sur les populations» menées par «Pol Pot, Hitler, Staline, Mao». A la tête du CIFPE, une femme se présentant comme Anne Casalis – «c’est un pseudo» – , travaillant dans la «formation dans la conduite du changement», assume ces formules «choc» et plaide «l’ironie».
«Fantasmes» et «outrances»
Elle juge que la Mairie de Paris exerce un «travail de contrôle de la pensée». «Au nom de l’égalité, on vise l’uniformité», s’alarme-t-elle. A la rentrée, elle compte, avec les membres de son collectif (ils sont «une dizaine pour l’instant»), distribuer des tracts dans les crèches.
«On ne va pas mettre des robes aux petits garçons!», explique-t-on à la Mairie de Paris, dénonçant les «fantasmes» et les «outrances» du collectif. Le dispositif, qui va d’abord être testé dans dix crèches, a une visée «très pragmatique», selon la Ville: «Faire en sorte que filles et garçons aient les mêmes chances dans la vie». «Ce n’est pas une expérimentation sur les enfants», assène la mairie, qui affirme par ailleurs ne se référer en aucun cas «à une quelconque théorie du genre». «Il s’agit de déterminer quelles sont les pratiques éducatives pouvant être le ferment de l’inégalité fille/garçon, puis de former les personnels, en lien avec les parents.»
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