Vendredi 4 août à la tour Essor à Pantin, en région parisienne, Afrique arc-en-ciel Paris Ile-de-France (AAEC Paris IDF) a fêté ses 16 ans dans une ambiance bon enfant, africaine, collective et solidaire.
Stop Homophobie était conviée, à travers son secrétaire-général ivoirien, Terrence Khatchadourian ; l’occasion aussi pour nous de revenir sur 16 années de militantisme à l’ombre des projecteurs des médias, pour une association qui continue son petit bonhomme de chemin.
Ariel (président d’AAEC Paris IDF), Thierry (sexologue) et Binta (activiste) ont tour à tour accepté de se livrer au jeu de l’interview pour Stop Homophobie.
Stop Homophobie : « Quelle est la genèse d’Afrique arc-en-ciel Ile-de-France ? »
Ariel Djessima-Taba : « L’association est née en 2007 après mon doctorat en philosophie, de ma rencontre à Paris avec Bruno Ottimi qui avait fondé Afrique arc-en-ciel dans son pays natal le Togo. Moi-même, je suis d’origine gabonaise.
Par la suite, Bruno a fondé Afrique arc-en-ciel en Guinée. D’où l’idée de créer ici à Paris, Afrique arc-en-ciel Paris Ile-de-France, car il n’y avait aucune organisation qui reprenne cette intersectionnalité noire africaine et LGBT+ à l’époque; tandis qu’il y avait une organisation LGBT+ très active des originaires d’Outre-mer, dont l’identité culturelle et sociale ainsi que le message politique ne s’adressaient pas vraiment à nous : ‘An Nou Allé’.
Depuis 16 ans aujourd’hui, nous sommes principalement une organisation de santé publique communautaire noire à destination d’un public LGBT+ d’ascendance africaine et même afro-caribéenne (sauf originaires des DROM-COM), issu de l’immigration.
Nous faisons des dépistages du VIH, des hépatites B et C, ainsi que de la syphilis à titre expérimental. Il faut dire qu’avant, la santé sexuelle au sein des communautés noires était largement taboue, avec une part de déni qui ne faisait qu’alimenter la dynamique de l’épidémie de VIH. Les responsables associatifs des diasporas africaines ici en France ne voulaient pas que leur image soit associée au virus, c’est pour cela que l’on mène ce travail de sensibilisation auprès de gens dont nous connaissons déjà la culture ».
Stop Homophobie : « Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au cours de vos missions? »
Thierry Miatti : « Pour porter un message de prévention des infections sexuellement transmissibles, il nous faut aller dans les lieux où nous devons gagner à être davantage présents. Il s’agit de lieux que nous avons déjà identifiés : salons de coiffure, salons de beauté, églises, certains restaurants.
Il reste encore beaucoup à faire pour rapprocher notre public du parcours de soins et la précarité, le racisme, ainsi que la barrière de la langue favorisent les ‘on-dit’ au détriment d’une information juste, précise et mise à jour que l’on s’efforce d’apporter lors des dépistages.
Après, toutes les communautés ne sont pas confrontées aux mêmes difficultés. Par exemple, en tant que sexologue quand je me rends dans les foyers de travailleurs immigrés, j’observe qu’il est plus difficile de parler de sexualité et de rapports conjugaux chez les maliens qu’auprès d’autres groupes.
Il y a aussi des sujets qui demeurent tabous et très ignorés actuellement en France, tels que les érections douloureuses des hommes drépanocytaires, dont la qualité de la vie sexuelle se retrouve très affectée.
Venant de Guadeloupe, j’ai beaucoup appris au contact du public que je rencontre, mais par delà les différences culturelles, c’est surtout la parole qu’il faut permettre de libérer, car la santé sexuelle est une dimension non négligeable du bien-être. De plus, la France est un pays de liberté et il faut donner confiance à nos usagers, sans les stigmatiser pour pouvoir être à même de les écouter. Tel est le sens de ma mission auprès d’Afrique Avenir qui est le partenaire privilégié d’Afrique arc-en-ciel Paris Ile-de-France ».
Stop Homophobie : « Quelle est votre expérience avec Afrique arc-en-ciel Paris Ile-de-France ? »
Binta : « Venant de la République Démocratique du Congo que j’ai fuie, j’ai trouvé à travers Afrique arc-en-ciel Paris Ile-de-France comme une deuxième famille, en termes de conseils et de soutien.
D’autre part, en faisant du bénévolat, cela m’a aussi permis de pouvoir m’occuper car en tant que demandeuse d’asile, il m’était interdit de travailler. Une interdiction à présent levée puisque je viens de me voir accorder le statut de réfugiée de la part de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (ofpra).
La santé sexuelle est le cœur d’activité d’Afrique arc-en-ciel Paris Ile-de-France, toutefois, j’observe que récemment l’on s’intéresse aussi aux problèmes d’insertion professionnelle et de logement.
En définitive, mon expérience est qu’ici, en plein anniversaire des 16 ans de l’association, je me sens à l’aise et libre ».
Ariel ponctue cet anniversaire avec ces mots : « nous souhaitons montrer notre engagement auprès de la communauté afro-LGBT+, nous sommes une grande famille et on doit continuer à se serrer les coudes ».