Les autotests pour le dépistage du virus du sida arrivent en France

Les Français se sont montrés généreux. L’édition 2013 du Sidaction, qui s’est tenu du 5 au 7 avril, a vu les promesses de don augmenter de 25 % par rapport à 2012. 5,1 millions d’euros seront potentiellement consacrés à la recherche contre le virus du sida (VIH), qui contamine chaque année 2,5 millions de personnes, dont 6 100 en France.

Si l’efficacité des traitements antiviraux est en constante progression et que des cas de guérison fonctionnelle ont été récemment évoqués, la prévention et le dépistage restent au cœur du dispositif de lutte contre l’épidémie. On estime à environ 30 000 le nombre de personnes porteuses sans le savoir du VIH en France, en dépit des cinq millions de tests réalisés chaque année, selon les dernières données de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes).

Le Conseil national du sida (CNS) a ainsi rendu, le 13 mars, un avis favorable à la mise sur le marché des autotests. Ces tests, que l’on peut faire soi-même à partir d’un échantillon de salive, délivrent un résultat en 20 à 30 minutes. Le kit OraQuick In-Home HIV, du laboratoire américain OraSure Technologies, est déjà commercialisé aux Etats-Unis depuis 2012, à la suite du feu vert de l’Agence américaine des médicaments. Une décision qui a ouvert la voie à son autorisation en France. « A l’instar du CNS, Act Up a également changé de position sur le sujet. Nous nous sommes rendu compte que nos précautions éthiques étaient en décalage avec la pratique », explique Arthur Vuattoux, secrétaire général de l’association Act Up.

Après avoir rejeté ce dispositif en 1998 et en 2004, le CNS s’est donc finalement prononcé en faveur de la mise sur le marché des autotests en se basant sur une évaluation entre les bénéfices en terme de santé publique et les risques encourus par leur commercialisation. Ils permettraient de découvrir 4 000 séropositivités et d’éviter 400 nouvelles infections par an en France, selon le CNS, qui s’appuie sur des projections effectuées pour les Etats-Unis par l’autorité sanitaire de ce pays.

« UN DISPOSITIF COMPLÉMENTAIRE D’ACCOMPAGNEMENT »

« Tout le monde a intérêt à connaître son statut sérologique. Le dépistage précoce est primordial. Quand on a connaissance de sa maladie, on intègre un circuit de soins qui permet une espérance de vie normale. Et, d’un point de vue de santé publique, cela empêche de transmettre le virus à autrui », assure Patrick Yeni, président du CNS et chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat. Selon le professeur, les non-dépistés représentent 20 % des personnes vivant avec le VIH, mais sont responsables de plus de 70 % des contaminations.

L’instance a néanmoins assorti son avis d’une série de recommandations pour encadrer un dispositif qui soulève autant de questions techniques qu’éthiques. Saisi par la ministre de la santé Marisol Touraine, le Comité consultatif national d’éthique a également rendu un avis favorable, tout en insistant sur le risque d’erreurs d’interprétation des résultats. Les autotests ne sont pas une solution miracle, mais « un dispositif complémentaire d’accompagnement », juge Bruno Spire, président de l’association Aides. Ils viendraient s’ajouter à deux dispositifs déjà existants : les dépistages anonymes et gratuits, réalisés à partir d’un prélèvement sanguin, dans des centres spécialisés ou dans les hôpitaux, et les tests rapides d’orientation diagnostique, un dépistage communautaire réalisé par du personnel non médical. « Le principal risque des autotests réside dans l’isolement de la personne qui découvre le résultat du test », avertit toutefois Bruno Spire.

DE NÉCESSAIRES CONDITIONS D’ENCADREMENT

L’enquête webtest sur les autotests menée par Aides et le Syndicat national des entreprises gaies, avec le soutien de l’Agence nationale de recherche sur le sida, sur laquelle s’est notamment appuyé le CNS, a montré la forte attente des personnes concernées. Elle souligne aussi que le moment du dépistage – que le résultat soit positif ou négatif – « constitue un moment-clé pour engager une réflexion avec le patient sur la diminution des risques, afin de faciliter, le cas échéant, son inscription dans le réseau de soins et de lui apporter un soutien psychologique avec un ‘counseling’ adapté ». Une notice d’explication détaillée accompagnera donc chaque autotest. Surtout, une hotline devra s’insérer au cœur du dispositif pour permettre aux personnes concernées de contacter un référent, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, membre associatif ou personnel du laboratoire commercialisant le produit, qui pourra le conseiller et, le cas échéant, l’aiguiller vers la structure médicale adéquate.

Ces précautions s’avèrent indispensables pour les homosexuels vivant loin des lieux de dépistage ou de conseil, par exemple les personnes habitant en zone périurbaine ou rurale et pour qui l’homosexualité se vit parfois dans le secret ou de manière stigmatisante. « L’autotest doit être une sorte de ‘produit d’appel’ pour les personnes éloignées des dispositifs existants », avance Arthur Vuattoux. L’autre ‘cible’ des autotests est la communauté homosexuelle des grandes villes, « comme celle du Marais pour prendre la plus connue, très demandeuse, structurée, qui connaît bien le sujet, et dont certains membres font des dépistages réguliers. » Enfin, des kits pourraient être distribués gratuitement par les associations aux prostitué(e)s et au sein des communautés de migrants fortement exposés au VIH.

UNE EFFICACITÉ DE 92,9 % SUR LES RÉSULTATS POSITIFS

Les circuits de distribution ne sont pas encore connus mais les différents acteurs les veulent les plus larges possibles. L’association Warning, qui milite depuis 2008 pour la mise sur le marché des autotests, relève que ces autotests sont déjà largement répandus à la vente sur Internet. Le site de l’association relate notamment une enquête menée par la BBC qui soulève l’absence de contrôle qualité de ces produits disponibles illégalement sur la Toile. Le prix de l’autotest, évalué aux alentours de 30 euros, dissuasif pour certains, « reste encore à négocier », précise Arthur Vuattoux.

D’un point de vue technique, les études évaluant le test salivaire autorisé en juillet aux Etats-Unis ont montré une efficacité de 99,8 % sur les résultats négatifs et de 92,9 % sur les positifs. Ce risque d’erreur devra être clairement mentionné sur la notice et le résultat confirmé par un test biologique traditionnel. La ministre de la santé, Marisol Touraine, a suivi l’avis du CNS tout en appelant à poursuivre « la procédure d’évaluation ». Elle a également décidé de saisir l’Agence des produits de santé pour avis sur l’accompagnement des utilisateurs, ainsi que la Haute Autorité de santé pour savoir comment ces autotests pourraient s’intégrer dans la stratégie globale de prévention et de dépistage du VIH. Enfin, les fabricants devront obtenir le « marquage CE » de conformité au règlement européen.

Si le principe de mise sur le marché des autotests est acté, ses conditions d’encadrement sont encore loin d’être définies, et la date de leur commercialisation toujours inconnue. Aux Etats-Unis, il n’aura fallu que quelques mois pour qu’ils deviennent déjà un business, avec ses campagnes de publicité télévisée.

Les différents types de dépistage déjà proposés

Rendu anonyme et gratuit en France dès 1987, la sérologie du test VIH est le seul examen permettant le diagnostic formel de l’infection par le virus du sida. Il existe deux types de dépistage à l’heure actuelle :

 

  • Le test Elisa : C’est le test de dépistage le plus couramment effectué. Il peut être réalisé dans un laboratoire d’analyse, avec ou sans prescription médicale, ou dans un centre de dépistage. Il est réalisé à partir d’une prise de sang et détecte le VIH dès le 15e jour après la prise de risque.

 

Où faire un test de dépistage anonyme et gratuit ?

 

  • Le TROD (Test rapide à orientation diagnostique) : Ce test, réalisé à partir d’une simple goutte de sang prélevée à la pointe du doigt, permet d’obtenir un résultat en 30 minutes. Depuis novembre 2010, ce test peut être pratiqué par des structures associatives et de prévention ayant reçu une habilitation des agences régionales de santé. C’est aujourd’hui une dizaine de structures associatives et de prévention qui proposent du dépistage communautaire par TROD.

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Source : Inpes Par Maxime Goldbaum