Dix ans après l’adoption du partenariat enregistré (pacs) en référendum par 58% des Suisses, la Commission des affaires juridiques du Conseil national vient de faire un pas supplémentaire vers le mariage pour tous.
Par 12 voix contre 9 et une abstention, elle a donné suite à l’initiative du groupe vert’libéral et de la conseillère nationale Kathrin Bertschy «Mariage civil pour tous», qui vise à ouvrir les différentes formes d’union régies par la loi à tous les couples, quels que soient le sexe ou l’orientation sexuelle des partenaires. Le mariage serait ouvert aux couples homosexuels et le pacs aux hétérosexuels.
Selon deux sondages effectués par les hebdomadaires alémaniques SonntagsBlick et SonntagsZeitung, une majorité de personnes interrogées y seraient favorables. La commission des affaires juridiques du National a également voté «oui» vendredi.
Dans une enquête de l’institut Léger, publiée par le SonntagsBlick, sur 1010 sondés, 54% se disent favorables au mariage homosexuel – 62% chez les femmes et 46% chez les hommes.
Commandité par Pink Cross
D’après le sondage de l’institut gfs Zurich, publié par SonntagsZeitung, 71% des 1000 sondés se disent «pour» ou «plutôt pour» le mariage homosexuel. Les femmes sont 77% à le soutenir, contre 64% chez les hommes.
L’enquête a été effectuée sur mandat de l’organisation suisse des gays Pink Cross. L’ensemble des résultats seront dévoilés en mars. Les deux journaux n’en ont publié qu’une partie.
PDC favorable
Egalement interrogé, le PDC se montre clairement favorable au mariage homosexuel. Environ 70% des sondés le soutiennent. Ce thème fait particulièrement écho au sein du parti en ce moment.
Avec son initiative populaire «Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage», contre la pénalisation fiscale du mariage, il a créé la polémique en définissant le mariage comme étant l’union d’un homme et d’une femme dans la constitution.
Pour sauver son texte, rejeté par le Conseil national lors de la dernière session, le Parti démocrate-chrétien (PDC) compte présenter un contre-projet à sa propre initiative lors du débat au Conseil des Etats en mars.
Avant qu’un projet concret soit rédigé, la commission du Conseil des Etats doit donner son aval
Et le peuple aura le dernier mot puisqu’il faudrait modifier la constitution, en inscrivant que les formes d’union régies par la loi sont ouvertes à tous les couples quels que soient leur sexe ou leur orientation sexuelle.
Selon les Vert’libéraux, il s’agit aussi de conférer au concubinat le statut de droit fondamental accordé actuellement au mariage. La simple cohabitation avec une ou plusieurs personnes ne serait toutefois pas concernée. Avec ce projet, partenaires et concubins pourraient en outre accéder à la naturalisation facilitée.
Adoption ?
Le parti précise en revanche que son initiative n’obligera pas le législateur à ouvrir l’adoption aux couples homosexuels. Cette question devrait être traitée prochainement par le Parlement.
Le Conseil fédéral lui propose d’autoriser les personnes liées par un partenariat enregistré à adopter, mais uniquement les enfants des partenaires. Cette possibilité devrait aussi être offerte aux concubins.
Plusieurs pays européens comme la Belgique, le Danemark, l’Espagne, les Pays-Bas, la Suède, le Royaume-Uni, la Norvège, l’Allemagne et l’Islande ont déjà accordé le droit d’adopter aux couples homosexuels, de même que le Québec et plusieurs Etats américains. Et la France vient de suivre après un vif débat.
Avant que la Suisse ne s’engage dans la même voie, il faudra certainement, outre l’aval du Parlement, une votation populaire, les milieux conservateurs ayant déjà promis le référendum.
Pas question pour eux de revenir sur les promesses faites lors de la votation de 2005: le peuple a accepté une loi sur le partenariat enregistré qui interdit aux couples homosexuels d’adopter. Il faut donc s’attendre à ce que la droite conservatrice fasse aussi feu de tout bois contre une ouverture du mariage aux gays et aux lesbiennes.
Porte-parole de Dialogai, Fabien Bertrand se réjouit de cette décision, qui est un signe positif contre la discrimination et marque l’évolution des mentalités. Pour beaucoup de couples homosexuels, il est important de pouvoir inscrire leur relation dans la durée et la reconnaissance sociale.
A l’inverse, la commission a proposé de ne pas donner suite à l’initiative «Garantir l’égalité pour toutes les formes d’union». La majorité estime qu’une égalité de traitement entre le concubinat, le mariage et le partenariat enregistré dans tous les domaines du droit public serait problématique. Le mariage ou le partenariat enregistré reposent en effet sur une démarche volontaire. Dans le cas d«un concubinat, la volonté de produire certains effets juridiques est toutefois difficile à prouver ou, parfois, simplement inexistante.