La question de la libre circulation au sein de l’UE, thème cher aux Ukrainiens, sera au menu du prochain Partenariat oriental de Vilnius dans quelques jours. Pour avancer sur le dossier, Bruxelles exige que l’Ukraine avance sur la non-discrimination des LGBT.
L’obtention d’un visa pour circuler à l’intérieur de l’Union européenne peut être un chemin de croix pour les Ukrainiens. Un parcours du combattant répétitif, car nombre de ressortissants ukrainiens ont des membres de leur famille vivant au sein de l’Union.
En 2008, l’Ukraine était le premier pays du Partenariat oriental à lancer un « dialogue sur la libéralisation du régime des visas » avec l’UE. En cinq ans, le pays a « réalisé des progrès remarquables », a confirmé la Commission européenne. Mais beaucoup reste à faire.
Pour permettre à ses citoyens de se déplacer dans l’UE sans visa, l’Ukraine doit normalement procéder à de profonds changements sur sa législation relative à la lutte contre la discrimination.
La discrimination contre les LGBT, une question complexe
Parmi les points sensibles politiquement figure celui d’une législation explicite en faveur de la protection des homosexuels, des lesbiennes, des bisexuels et transsexuels (LGBT). Kiev doit également renverser la charge de la preuve en faveur des victimes de discrimination afin de leur assurer une véritable protection.
Tant que l’Ukraine ne met pas sa législation LGBT au niveau des normes européennes, bon nombre de citoyens ukrainiens peuvent demander l’asile auprès des États membres de l’UE en invoquant la discrimination dans leur pays.
Mais, « bien des députés considèrent le vote en faveur d’une telle avancée comme une atteinte à leur réputation. Ceci peut s’expliquer par le manque de tolérance et d’acceptation des LGBT au sein de la majeure partie de la population, mais aussi de l’opposition farouche sur cette question de l’Église orthodoxe, qui se montre d’ailleurs plutôt autoritaire sur le sujet », a indiqué le médiateur ukrainien à EurActiv, cherchant à expliquer l’origine du blocage législatif au Parlement ukrainien.
L’influence du voisin russe n’est pas d’ailleurs négligeable. Cette année encore, le parlement a introduit deux projets de loi interdisant la « propagande homosexuelle ».
L’eurodéputée néerlandaise Marije Cornelissen (Groupe des verts/Alliance libre européenne) a prévenu que La Haye opposerait tout simplement son veto à la libéralisation des visas pour l’Ukraine, si ces lois « méprisables » étaient adoptées.
L’exemple de la Macédoine
La Commission a soutenu que la protection contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle n’était pas négociable. Mais elle a par le passé montré une certaine souplesse sur la question.
En novembre 2009, la Macédoine a obtenu l’exemption de visa pour l’accès au territoire européen sans avoir adopté de législation contre les discriminations sur l’orientation sexuelle.
Tout comme l’Ukraine, il s’agissait alors d’une condition fondamentale et non négociable posée par l’UE. Mais l’adoption du principe de non-dicrimination fondée sur l’orientation sexuelle a été reportée et n’a plus été évoquée depuis.
Pour Marije Cornelissen, l’explication juridique donnée par Skopje est cependant « plus convaincante » que celle de Kiev.
La législation macédonienne ne cite pas explicitement l’orientation sexuelle comme discrimination, mais utilise une formule ouverte, « pour tout autre motif », qui n’exclue pas les LGBT du champ de la législation.
Pour les spécialistes et analystes, cette formule laisse la possibilité au gouvernement conservateur de Skopje d’éviter d’aborder frontalement un sujet ô combien délicat et d’éviter un conflit avec l’Église orthodoxe.
L’idée que l’Ukraine adopte une formule du même type au lieu d’une formule mentionnant explicitement l’orientation sexuelle n’est pas impossible. L’Ukraine « pouvait essayer », reconnait Marije Cornelissen. Mais il reviendrait alors aux tribunaux de montrer qu’une telle disposition accorde effectivement une protection aux LGBT, précise l’eurodéputée.
En plus de légiférer sur la lutte contre la discrimination, l’Ukraine doit aussi se pencher sur des mesures contre la corruption ou encore des dispositions relatives aux soins médicaux dispensés aux demandeurs d’asile.
La Moldavie, championne des réformes
La Moldavie a entamé les négociations deux ans après l’Ukraine, qui était alors considérée comme la « cheffe de file » des pays appartenant au Partenariat oriental.
Mais à l’inverse de l’Ukraine, elle a rapidement adopté les réformes nécessaires. La semaine dernière, la Commission européenne a félicité le gouvernement moldave pour s’être conformé à tous les critères fixés dans le plan d’action. Dans la foulée, elle a recommandé la levée de l’obligation de visa pour Chisinau, la capitale du pays.
La décision finale incombe cependant aux chefs d’État et de gouvernement et au Parlement européen. Dès que ces derniers donneront leur feu vert, les Moldaves pourront voyager librement à travers l’espace Schengen pendant 90 jours par an.
La libre circulation accordée aux Moldaves est accompagnée, cependant, d’un mécanisme de suspension afin d’éviter l’expérience de la précédente vague de libéralisation du régime des visas. Une vague de « faux demandeurs d’asile », à la recherche de meilleures conditions économiques, avait alors déferlé sur l’Union.
Le scandale des visas des journalistes ukrainiens
Dans le contexte d’un rapprochement entre l’Union européenne et l’Ukraine, des citoyens, des journalistes et des femmes ou hommes d’affaires ukrainiens demandent régulièrement des visas pour voyager au sein de l’espace Schengen. En 2012, environ 1,3 million d’Ukrainiens ont obtenu le précieux document, néanmoins les refus sont monnaie courante.
Selon un article récent d’EurActiv, un groupe de journalistes ukrainiens renommés, invités à un évènement au Parlement européen, se sont vus accorder des visas de deux jours seulement par le consulat belge de Kiev.
Les journalistes ont affirmé à EurActiv qu’ils ne croyaient pas avoir été victimes de la bureaucratie. Selon eux, cet incident illustre l’attitude hostile de l’UE envers leur pays.
EurActiv a cherché à s’informer auprès du ministère aux Affaires étrangères, commerce extérieur et coopération au développement et auprès de l’Office des étrangers de Belgique. Ces derniers n’ont eu de cesse de se jeter la pierre.
Les autorités ukrainiennes doivent mettre fin à toute forme de torture et autres mauvais traitements infligés par les agents de la force publique. L’Ukraine doit se conformer à ses engagements pris au niveau international, a déclaré Amnesty International dans le cadre des discussions portant sur l’accord d’association UE-Ukraine.
« Quel que soit l’avenir de l’accord d’association avec l’Ukraine, l’Union européenne se doit de s’assurer de la mise en conformité de l’Ukraine avec ses engagements internationaux. L’Ukraine est un membre important de la communauté internationale et européenne. Les autorités nationales ont ratifié de leur plein gré tous les principaux accords internationaux relatifs aux droits de l’Homme – entre autres l’interdiction absolue et définitive de la torture », a ajouté Nicolas Beger, directeur du Bureau des institutions européennes d’Amnesty International.