Sur sa radio officielle, l’organisation Etat islamique (EI) a revendiqué ce lundi l’attentat contre un club gay d’Orlando : « Dieu a permis au frère Omar Mateen, un des soldats du califat en Amérique, de mener une ghazwa (terme islamique pour désigner une attaque) durant laquelle il est parvenu à entrer dans une boîte de nuit des sodomites dans la ville d’Orlando (…) et à tuer et blesser plus de 100 d’entre eux », a indiqué le bulletin d’Al-Bayan.
Des termes qui ne laissent aucun doute possible sur la motivation homophobe du tueur. Un objectif qui, malheureusement, n’a rien de surprenant, selon les spécialistes interrogés par L’Express. « Les homosexuels sont une cible logique », estime le journaliste David Thomson, spécialiste du djihadisme. S’il considère que cibler des ressortissants des pays de la coalition engagée contre l’EI relève de « la loi du Talion », « les homosexuels constituent, avec les juifs, une cible naturelle, permanente et légitime des djihadistes quel que soit le contexte géopolitique ».
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« Les homosexuels sont, avec les juifs, une cible permanente des djihadistes » : https://t.co/v6is91UuNw #Orlando pic.twitter.com/drG7WmXHwA
— CRIF (@Le_CRIF) 15 juin 2016
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Le « peuple de Loth » visé
Alors que les attentats indiscriminés de Paris et de Saint-Denis en novembre 2015 ont divisé une partie des djihadistes à travers le monde, David Thomson souligne que, sur les réseaux sociaux, « les sympathisants d’Al-Qaïda se sont réjouis de l’attentat d’Orlando au même titre que ceux de l’EI ». « Cet attentat fait l’unanimité au-delà de toutes les chapelles », poursuit-il. Le journaliste rappelle que le prédicateur vedette d’Al-Jazeera, Yusuf al-Qaradawi, a écrit des textes sur la façon de tuer des homosexuels. Dans son best-seller, Le licite et l’illicite, écrit en 1960, il se demande en effet s’il convient de tuer « l’actif et le passif, par quels moyens les tuer, est-ce avec un sabre ou le feu ou on les jetant du haut d’un mur ».
Souvent désignés comme le « peuple de Loth » dans la propagande djihadiste, les homosexuels ou personnes supposées telles ont largement été persécutés par l’EI depuis que celui-ci contrôle des territoires en Syrie et en Irak. Dans son rapport mondial sur l’année 2015, l’organisation Human Rights Watch cite des chiffres de l’organisation OutRight Action International selon lesquels 36 hommes en Syrie et en Irak ont été tués par l’EI pour « sodomie ». Une répression qui passe par des mises à mort barbares: décapitation, pendaison, lapidation. L’un de châtiments réservés aux homosexuels est d’être jeté du haut d’un immeuble ou d’une montagne.
Mise en scène macabre
Des crimes à la mise en scène macabre largement relayés par l’organisation terroriste. Et que l’EI a perpétrés dans l’ensemble des territoires qu’il a sous contrôle. Human Rights Watch fait état par exemple de l’exécution de trois personnes, accusées d’homosexualité, en avril 2015 à Derna, en Libye, une fois la ville passée sous la coupe des djihadistes. La répression contre les homosexuels est telle qu’elle a déjà fait l’objet d’une réunion spécifique du conseil de sécurité de l’ONU en août 2015. A cette occasion, un réfugié syrien avait témoigné de la façon dont les groupes djihadistes forcent la population à assister aux mises à mort publiques d’homosexuels.
« Al-Qaïda a déjà revendiqué des attentats contre des personnes accusées d’être homosexuelles, en Afghanistan et au Pakistan », ajoute l’islamologue Mathieu Guidère. En avril 2016, c’est au Bangladesh que deux militants gays ont été assassinés par des assaillants qui ont crié « Allah Akbar ». Mais avec Orlando, c’est la première fois que des groupes djihadistes s’en prennent à des homosexuels en Occident. « Ce qui est aussi ciblé par cette attaque, c’est le côté immoral de l’Occident », analyse Antoine Sfeir, le directeur des Cahiers de l’Orient, qui rappelle que dans le passé, certains califes orientaux, comme Haroun ar-Rachid au 8e siècle, vivait publiquement leur bisexualité.
« Aggraver les tensions sociétales »
En France, les djihadistes n’ont pas spécifiquement visé la communauté homosexuelle. Mais un jeune trentenaire nîmois, arrêté en 2014 dans le cadre d’une opération antiterroriste, est soupçonné d’être l’auteur d’un crime homophobe en 2011.
Outre « l’idéologie », l’attentat homophobe d’Orlando comporte aussi « une dimension stratégique », estime Mathieu Guidère: « Comme avec Charlie Hebdo, la cible est ici polémique, clivante. L’objectif est aussi d’aggraver les tensions sociétales aux Etats-Unis où certaines chaînes évangéliques promettent aux homosexuels la damnation et l’enfer. L’homophobie est au coeur des discours ultraconservateurs de toutes les religions. »