J’ai longtemps hésité avant de m’adresser à toi. J’espère que tu ne prendras pas mal l’usage du tutoiement, mais je veux te parler comme à un proche, livrer ce que je ressens depuis quelques mois.
C’est d’ailleurs étrange de ma part de t’adresser un courrier, puisque je ne crois pas en ton existence. Cependant, j’espère parfois me tromper et que tu existes. Que tu puisses nous envoyer un signe qui remette un peu les Hommes à leur place.
J’ai imaginé m’adresser au pape François, mais je n’aime pas les intermédiaires. J’ai adressé mes précédentes missives à quelques députés de l’UMP, à Christine Boutin du Parti chrétien-démocrate et diverses provocations au collectif La Manif pour tous… mais jamais encore je n’avais imaginé qu’ils me pousseraient à m’adresser directement à toi.
Si je t’écris, c’est parce que je ne comprends pas. Je n’ai pas été élevé dans la foi. Je n’ai pas reçu d’éducation religieuse. Je n’ai même pas été baptisé. J’entends la ligne grésiller, mais ne raccroche pas en entendant cette confession, cela n’en diminue pas la pertinence de mes interrogations.
Les Hommes aiment parler en ton nom…
Tu le sais, les hommes aiment parler en ton nom. Depuis quelques mois, la France est agitée par un projet de loi qui, une fois n’est pas coutume, ne fait pas l’unanimité. Ce projet de loi vise à ouvrir le mariage civil et l’adoption aux couples de même sexe. Ce projet de loi, indispensable pour tous ceux qui, comme moi, ont un jour souffert d’homophobie et qui rêvent de pouvoir vivre normalement leur amour, est rejeté par une autre partie de la population. Ces gens se défendent de toute homophobie et disent n’être motivés que par la protection des enfants.
Pour eux, le mariage d’amour n’existe pas. Le mariage représente l’organisation de la filiation. J’imagine que certains d’entre eux regrettent le temps où le mariage était synonyme d’arrangements entre bonnes familles pour faire perdurer la noblesse de leur sang. Aujourd’hui, le mariage civil permet de protéger le couple et pas seulement la famille. C’est un symbole important qui était interdit aux couples homosexuels, alors même que l’homosexualité n’est plus considérée comme une maladie mentale par l’OMS depuis 1992. L’homosexuel n’est plus un malade, mais il reste un sous-citoyen, dans un pays où la devise «Liberté Égalité Fraternité» est gravée sur le fronton de chaque mairie.
L’Église en 2013 a beau rester une institution réactionnaire qui continue de condamner l’usage du préservatif ou l’IVG, l’homosexualité dans ses rangs n’est plus un secret. Cela n’a pas empêché le chef de l’Église catholique, Benoît XVI, de dire que : « le mariage homosexuel menace l’avenir de l’humanité ».
Que dire de mouvements comme Civitas, qui organise des prières de rue en France, pays laïque, et notamment devant l’Assemblée nationale ou le Sénat ? Ces manifestations de façade cachent les exactions commises par certains de ses membres, groupuscules intégristes proches de l’extrême droite et ultraviolents. Pourtant, ces gens disent lutter au nom de la religion !
Que dire de l’organisatrice de La Manif pour tous, qui aujourd’hui se vante de parler en ton nom alors qu’hier elle astiquait des barres verticales en Inox avec ses sous-vêtements en chantant des paroles obscènes (Fais-moi l’amour avec deux doigts) ?
Que dire de sainte Christine Boutin qui a découvert la foi tardivement et s’est autoproclamée mère la morale après s’être mariée avec son cousin germain ? Cette femme qui, il y a quelques années, brandit la Bible à l’Assemblée nationale, se permet aujourd’hui de jouer les martyrs à des fins plus égocentriques qu’idéologiques. Cette femme qui, dimanche, dénonçait des brutalités policières après avoir elle-même transgressé un interdit, n’a pas hésité à envoyer les membres de son parti (PCD) violenter un élu du peuple dans une université, où il devait débattre avec des étudiants.
Je suis pour la liberté d’expression. Tous ces gens ont le droit d’exprimer leur vision de la société, dans le respect des règles. Mais les appels à la radicalisation de personnages comme Christine Boutin sont inadmissibles.
Je connais peu ou mal les textes sacrés. Pour moi, la religion est une sorte de morale qui doit nous apprendre le vivre ensemble et la tolérance. Mais ceux que j’entends, depuis quelques mois, utiliser leur foi pour lutter contre un projet de loi de la République me semblent de plus en plus éloignés de la religion. Le fossé se creuserait-il entre les textes sacrés et l’interprétation qu’en font les hommes, y compris les hommes d’Église ?
« Biens-aimés, aimons-nous les uns les autres ; car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. »
Première Épitre de Jean, chapitre 4, versets 7 et 8.
«En est-on revenu au temps des Croisades ?»
La question que je me pose ce soir, c’est « en est-on revenu au temps des croisades ? ». Vont-ils demain rouvrir la « chasse aux sorcières » ? Jusqu’où iront ceux qui nous vouent une haine sans limite, encouragés par d’autres qui parlent en ton nom ?
N’est-il pas temps qu’un pape prône la tolérance au lieu de dire que le mariage homosexuel menace l’avenir de l’humanité ? N’est-il pas temps que l’Église et certains de ses fidèles ouvrent les yeux et en terminent avec l’hypocrisie, quand on sait que dans ses rangs, on s’encule à qui mieux mieux ?
Je ne suis pas croyant, mais j’ai été élevé dans des valeurs. Je ne condamne pas ceux qui ne pensent pas comme moi. Je comprends ceux qui ont des croyances, même si je ne les partage pas. Mais jamais, jamais je ne comprendrais comment on peut prier Dieu le dimanche matin et provoquer un mur de CRS le soir, ou envahir une fac avec des slogans haineux sans en avoir gros sur la conscience. Dieu, si tu m’entends, je t’en supplie : raisonne tes brebis avant que tout le troupeau ne soit contaminé.
Christophe Coret
Source : http://www.plusgaysansmariage.com/lettre-a-dieu-hymne-a-la-tolerance-et-au-mariagepourtous-pontifex_fr/