Existrans 2015 : Marchons ensemble pour soutenir les personnes trans et intersexes

Aujourd’hui, à 14 heures, les personnes trans et intersexes marcheront pour réclamer une loi pour un changement d’état civil libre et gratuit, sans passer par un tribunal.

Aux États-Unis, les transgenres sont sous le feu des projecteurs. La transformation de Caitlyn Jenner, l’ex-champion olympique du décathlon, s’affiche en couverture du Vanity Fair américain. L’actrice trans Laverne Cox, star de la série Orange is the new black, figure dans le dernier classement du Times des cent personnalités les plus influentes au monde dans la catégorie «pionnier». Cet été, la Maison-Blanche a embauché la militante trans Raffi Freedman-Gurspan dans une équipe chargée du recrutement pour l’exécutif américain.

Une situation très différente de celle de la France où les personnes trans et intersexes peinent à passer de l’ombre à la lumière. Elles tenteront une nouvelle fois de se faire entendre dans la rue, aujourd’hui à Paris, lors de leur marche annuelle, l’Existrans. Pour cette 19ème édition, le ras-le-bol est tangible. Son mot d’ordre? «Papiers et droits pour les trans et les intersexes: Le monde avance, la France recule». «En France, c’est la stagnation absolue! Le gouvernement recule et laisse perdurer une violence d’état à l’encontre des personnes trans et intersexes», pointent les organisateurs de l’événement.

12022576_10207954247558599_7854066956339876606_oDe nombreuses autres problématiques se posent également, notamment la question de la transphobie, sur laquelle des lois seront difficilement suffisantes. «Le plus dur est de faire changer les mentalités», soutient Giovana Rincon, militante, fondatrice et directrice d’Acceptess-T. D’après IDAHO, 18% des trans ont tenté de se suicider suite à des actes transphobes…

Concernant, les intersexué-e-s, il est difficile de faire une synthèse compte-tenu de la diversité des cas. Néanmoins, les mutilations des personnes dont les organes ne correspondent pas à la norme continuent toujours. On peut aussi noter les hormonothérapies forcées, incluant des produits interdits. Clyde affirme que «ce qu’on a en commun, c’est les mensonges, les non-dits, et cette espèce d’envie d’effacer toute identité, ce qui est considéré comme déviance par la police du genre que sont les médecins».

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Mercredi, un jugement du TGI de Tours du 20 août accordant le droit à une personne intersexuée d’avoir la mention «sexe neutre» sur son état civil a été rendu public. Une première en France et une décision qui laisse entrevoir une possibilité d’évolution du droit à la communauté des intersexes (également appelées hermaphrodites). Le parquet de Tours a cependant fait appel du jugement, estimant que cette requête renvoyait «à un débat de société générant la reconnaissance d’un troisième genre».

Preuves de stérilisation ou de réassignation sexuelle

Depuis de nombreuses années, la communauté trans réclame une loi pour faciliter la modification de la mention du sexe à l’état civil. «C’est à chacun de décider s’il veut voir la case M ou la case F cochée sur ses documents ou une case d’un autre genre. Cette identité ne doit pas nous être imposée», plaide Clémence Zamora Cruz, déléguée de l’Inter-LGBT.

Aujourd’hui, aucune loi ne régit le changement d’état civil des transsexuels. Mais selon une jurisprudence de 1992, confirmée par plusieurs arrêts de quatre arrêts de la Cour de cassation, les trans doivent produire en justice un diagnostic de transsexualisme et prouver l’irréversibilité de la transformation de leur apparence pour modifier la mention du sexe sur leur acte de naissance. «Ce parcours judiciaire engendre des inégalités sur le territoire. Certains TGI sont ouverts au changement d’état civil tandis que d’autres mettent des barrières et réclament des preuves de stérilisation ou de réassignation sexuelle», dénonce Clémence Zamora Cruz. Selon la communauté trans, cette difficulté à obtenir des documents en accord avec leur genre est à la source de nombreuses discriminations dans le domaine du travail, des études ou encore de l’accès aux soins et entraîne un taux de précarité élevé.

Aux États-Unis, la médiatisation des trans a été «bénéfique»

Depuis l’élection de François Hollande, deux propositions de lois pour faciliter le changement d’état civil ont vu le jour, dont une déposée ces derniers jours à l’Assemblée nationale par les députés PS Erwann Binet, Michèle Delaunay et Pascale Crozon. Aucune n’a cependant été mise à l’agenda parlementaire et les deux textes ont été critiqués par les associations trans. Ces dernières voudraient que la France suive la voie de l’Argentine où le changement d’état civil se fait par simple déclaration en mairie.

Alors que le débat semble bloqué du côté des politiques depuis le mariage pour tous, une meilleure visibilité médiatique pourrait-elle changer la donne?
Aux États-Unis, la médiatisation des trans a été «bénéfique», juge Clémence Zamora Cruz mais elle doit rester «respectueuse de la réalité de la communauté».

«Avec des histoires comme celle de Caitlyn Jenner, les gens peuvent se faire de fausses représentations de la réalité des personnes trans. On se dit qu’elle est belle et on continue de véhiculer des stéréotypes sur la femme. Tous les trans ne se reconnaissent pas dans cette couverture médiatique. De plus, beaucoup de personnes sont en difficulté car elles n’ont pas accès un suivi médical correct, ne peuvent pas se faire opérer ou avoir accès à une hormonothérapie faute d’argent».

Au-delà d’Existrans

Les associations comptent continuer leurs mobilisations pour les droits des trans et des intersexué-e-s, au-delà d’Existrans. Elles commencent à se réunir pour mettre en place une ligne de revendications communes face au projet de loi et se mettre d’accord sur la manière de négocier lors des auditions prévues.
On peut citer Acceptess-T qui travaille beaucoup sur la question du manque d’études en France sur la transidentité. L’association espère pouvoir obtenir des chiffres sur la transphobie, dans une visée intersectionnelle (incluant par exemple, la transphobie selon l’origine, pour les personnes sans papiers ou encore les travailleu-r-se-s du sexe).

La marche

existrans---parcours-2015Le point de départ sera Stalingrad à 14h et la marche finira au centre de Paris avec des prises de paroles. Cette année, le collectif Existrans a réuni suffisamment de fonds pour pouvoir avoir un char, qui sera mis à disposition pour les personnes ayant des difficultés de déplacement. Après la marche, deux soirées seront prévues (à 19h à la Mutinerie et à 23h au CLUB 56).

Le collectif est encore à la recherche de bénévoles pour la marche et l’appel à financement participatif est encore ouvert (l’argent non utilisé étant reporté à l’année suivante).

« L’important c’est qu’on soit en grand nombre ce jour-là », déclare Jules. En particulier, concernant les intersexué-e-s, « la visibilité, c’est ce qui nous manque le plus », affirme Clyde.

avec Agnès Leclair et Falaïnokta Dubensaki
Photo à la une : Florian Bardou