Militant en faveur des droits de l’Homme et ouvertement gay, Ali Ferouz (pour ses lecteurs), de son vrai nom Khoudoberdi Nourmatov, 30 ans, est un journaliste d’origine ouzbèke qui travaille depuis plus d’un an au sein de l’équipe de Novaïa Gazeta, qui aura notamment révélé en avril les exactions commises contre les LGBT en Tchétchénie.
Réfugié à Moscou, il a été arrêté le 1er août dernier lors d’un contrôle d’identité, avant d’être aussitôt présenté à un tribunal, qui a ordonné son renvoi vers l’Ouzbékistan, car en situation irrégulière sur le territoire russe. Sa qualité de demandeur d’asile suffisait pourtant à justifier légalement sa présence. Son avocat a rapporté que le jeune homme avait tenté de mettre fin à ses jours au terme de l’audience.
Il craint en effet d’être torturé dans son pays en raison de son orientation sexuelle et de ses activités. L’Ouzbékistan occupe en l’occurrence la 169e place sur 180 au Classement mondial 2017 de la liberté de la presse, et Ali est l’auteur de nombreux articles sur la politique intérieure ouzbèke ainsi que sur les conditions de vie déplorables des migrants d’Asie centrale vivant dans la capitale russe.
Et les autorités ouzbèkes exerçant un monopole absolu sur l’information, les journalistes indépendants qui persistent à faire leur travail s’exposent aux pires représailles. De nombreux rapports ont documenté l’usage généralisé de la torture dans les prisons ouzbèkes, comme le confirme Amnesty International :
« Ali Ferouz est ouvertement gay, il milite pour les droits humains et est correspondant à Novaïa Gazeta, un journal indépendant – autant dire un cocktail quasi mortel pour quelqu’un qui est sur le point d’être remis à l’Ouzbékistan, où la sodomie est un crime et où la torture est endémique », a insisté Denis Krivosheev, directeur adjoint de l’organisation pour l’Europe et l’Asie centrale.
Ali est né en Russie où il a vécu jusqu’à ses 17 ans quand il est parti vivre en Ouzbékistan et a pris la nationalité ouzbèke. En 2009, il a été contraint de fuir sa région, après avoir été « arrêté et torturé » par des agents du Service de la sécurité nationale pour avoir « refusé de devenir leur informateur secret », affirment également Novaïa Gazeta, précisant qu’Ali a en outre perdu son passeport en 2012 et, craignant de rentrer en Ouzbékistan, n’a pas réussi à en obtenir un nouveau.
En 2014, il avait déposé une demande d’asile en Russie, qui lui avait été refusée. Appréhendé une première fois en mars 2017, il avait été relâché, mais sa dernière demande d’asile a de nouveau été rejetée au mois de mai suivant, souligne le quotidien Kommersant, « une décision contre laquelle le journaliste a introduit un recours ».
Après son arrestation et sa condamnation, la défense de Ferouz avait fait appel devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Et ce 8 août, la cour d’appel de Moscou a finalement gelé son expulsion, mais ordonné son maintien en détention, dans un centre pour étrangers à Moscou, jusqu’à ce que la CEDH se prononce sur le fond de l’affaire. Ce qui pourrait prendre plus d’un an.
« Nous sommes soulagés de voir s’éloigner la perspective d’un renvoi d’Ali Ferouz en Ouzbékistan et nous remercions la CEDH pour son intervention », a réagi Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de Reporters sans frontières.
« Mais le journaliste n’a gagné qu’un sursis et il pourrait rester longtemps privé de liberté. Nous appelons de nouveau les autorités russes à le libérer au plus vite, à lui octroyer l’asile ou à défaut, à le laisser rejoindre un autre pays où il pourra trouver refuge. »