Alors qu’un très grand rassemblement homophobe est prévu ce dimanche 20 février 2022, à Dakar, à l’initiative de Ànd Sàmm Jikko yi (Ensemble pour la défense des valeurs, en wolof), le Collectif Free du Sénégal, à travers son leader Souleymane Diouf (pseudonyme) lance un nouveau signal d’alerte auprès de l’ensemble de la communauté internationale pour faire part de sa détresse et de sa préoccupation face à la virulence d’actes de plus en plus barbares à l’égard des personnes LGBTQI+, tout sexe confondu.
Le Parlement sénégalais a rejeté le 25 décembre 2021 une proposition de loi visant à durcir la répression de l’homosexualité, avec des peines allant jusqu’à dix ans de prisons contre cinq ans actuellement, selon l’article 319 du Code pénal, datant de 1966.
Ce projet, initié par un groupe de députés majoritairement de l’opposition, était soutenu par les associations et les chefs religieux. Une instrumentalisation politique donc, à quelques semaines des élections locales et alors même que les geôles du pays comptent déjà de nombreuses personnes LGBTQI+ emprisonnées pour des « questions de mœurs ». Mais si le texte a été recalé, la répression s’est accentuée.
« Depuis décembre 2021 nous avons ainsi dû venir en aide et prendre en charge 7 personnes ayant été attaquées. Comme nous le déplorons trop souvent, ces agressions ont été filmées et abondamment relayées sur les réseaux sociaux, afin d’humilier et de rendre toute réinsertion sociale impossible aux victimes, à travers le pays », poursuit Souleymane Diouf. « En outre, nous avons comptabilisé 5 personnes chassées de leur foyer par leurs proches. Il y a des hommes, mais aussi des femmes, loin d’être épargnées par cette vague d’homophobie ambiante, qui frappe indistinctement et aveuglément aussi bien les sénégalais que les ressortissants immigrés et étrangers de la sous-région : gambiens, ivoiriens, guinéens… Actuellement, nous accueillons 3 d’entre eux ».
Pour réagir à cette situation de crise humanitaire silencieuse, le Collectif Free du Sénégal s’est doté d’une ligne nationale d’écoute gratuite, joignable à partir de Whatsapp, au +33783106288.
« Ce n’est encore qu’une étape, mais si rien n’est fait à brève échéance pour pouvoir enrayer cette dynamique homophobe mortifère, nos capacités vont se retrouver très rapidement saturées, dès le mois de mars, face au volume de personnes en situation de détresse. Pourtant les besoins médicaux, sociaux, psychologiques et alimentaires sont pressants pour le public auprès duquel nous intervenons, ajoute Souleymane Diouf. D’où notre appel à l’aide. Nous faisons face à une catastrophe humanitaire totalement niée et invisibilisée par les autorités locales, tandis que les victimes ont trop peur pour pouvoir déposer plainte et faire traduire en justice leurs bourreaux(…) Il faut savoir que même dans la mort, les sépultures de personnes LGBTQI+ sont profanées quand elles ne sont pas purement et simplement refusées dans la plupart des cimetières, en vertu d’une interprétation rigoriste de la religion musulmane, comme ce fut le cas le 4 février dernier à Rufisque ».
« Nos environnements sont caractérisés par le péril islamiste terroriste au Sahel, l’avènement de juntes militaires autoritaires dans les pays voisins (Guinée) ou encore le maintien de dirigeants vieillissants qui s’accrochent au pouvoir au gré de nombreuses modifications de constitution, en sus de l’homophobie délétère qui persiste. Dans l’ensemble, le Sénégal fait figure de bon élève de la région, même si le flou entoure encore les intentions du président Macky Sall quant à un hypothétique 3e mandat, selon l’opposition emmenée par le Yewi Askan Wi (« Libérez le peuple » en wolof). En tout cas cette dernière en réclamant activement l’instauration d’un délit d’homosexualité et en relayant le populisme homophobe de Ànd Sàmm Jikko yi au parlement**, a trouvé une brèche où mettre en difficulté la majorité présidentielle, avec d’importants gains politiques à la clef, lors des élections municipales qui se sont tenues récemment, le 23 janvier : Dakar, Ziguinchor, Thiès, Tivaouane… Aujourd’hui, le refus unilatéral du Benno Bokk Yakaar (« Unis pour le même espoir » en wolof, parti présidentiel), d’examiner le projet de loi LGBTphobe, se transforme en supplice chinois, puisque Ànd Sàmm Jikko yi réfléchit à saisir la cour constitutionnelle pour pouvoir faire invalider cette décision, tandis que les prochaines législatives se profilent dès le 31 juillet 2022, avec 165 députés à renouveler. Dans son histoire, le Sénégal n’a jamais connu de cohabitation, tandis qu’il reste à Macky Sall encore 2 ans pour pouvoir finir son mandat. Le fait que le président ait reçu le 27 janvier dernier des dignitaires religieux musulmans au palais présidentiel pour leur assurer de son intransigeance à ne jamais dépénaliser l’homosexualité révèle une crainte du pouvoir en place, quant à une nouvelle percée à venir de l’opposition. »
Pendant ce temps, Ànd Sàmm Jikko yi continue à monter au créneau avec l’organisation dimanche prochain d’un nouveau rassemblement en vue de marteler inlassablement une surpénalisation immédiate de l’homosexualité, tandis que la diffusion d’exactions commises à l’encontre des personnes LGBTQI+ fleurissent de plus en plus sur les réseaux sociaux, tout comme les discours de haine.
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