En plus d’avoir allaité son premier enfant pendant trois ans, ce père trans est passé à «ça» de devenir parrain d’allaitement. Enceint de sept mois, il s’apprête à renouveler l’expérience.
Comment est-il possible d’allaiter quand on est un père?
C’est une question d’hormones. Techniquement, tous les hommes peuvent allaiter à condition qu’ils prennent des bloqueurs de testostérone. Quand j’ai expliqué à mon endocrinologue que je voulais des enfants, il m’a dit que je n’avais qu’à cesser mes traitements hormonaux pour que mon cycle menstruel redevienne régulier.
Comment avez-vous réussi à conserver votre barbe?
En cessant la testostérone, certaines personnes perdent leur pilosité faciale, d’autres non. Moi, j’ai conservé une pilosité faciale et une voix grave et ça fait quatre ans que j’ai cessé mes traitements. J’espère les reprendre, parce que ça a quand même un impact sur ma masse musculaire.
La mastectomie n’empêche pas l’allaitement?
Ça dépend de la façon dont elle est faite. Ça peut avoir un impact sur la quantité de lait. Moi, j’ai utilisé un dispositif d’aide à l’allaitement, un système utilisé par des femmes qui ont de la difficulté à allaiter. J’ai eu l’aide de la ligue La Leche, une organisation mondiale consacrée à l’allaitement. Après quelques mois, mon groupe local de La Leche m’a proposé de devenir bénévole, mais ça allait à l’encontre des règlements de l’organisation. Quelques années plus tard, La Leche a réalisé que c’était discriminatoire et elle a changé ses règlements. Maintenant, partout dans le monde, même en Arabie saoudite, un homme peut devenir parrain d’allaitement!
Comment les gens réagissent-ils lorsqu’ils vous voient allaiter?
La plupart du temps, ils ne comprennent tout simplement pas ce qu’ils sont en train de regarder. Une fois, une femme m’a demandé des renseignements parce qu’elle voyait que j’utilisais un dispositif d’aide à l’allaitement. Les commentaires en ligne sont plus violents, mais en personne, les gens sont corrects. Et je dirais que mon expérience ouvre beaucoup plus de portes qu’elle n’en ferme.
Est-ce que le fait d’être un homme enceint suscite plus de réactions?
Non. Les gens pensent simplement que j’ai une bedaine de bière. Je ne serais pas le seul!
Est-ce que le milieu hospitalier est ouvert à votre réalité?
Oui, mais c’est évident que, chaque fois que je rencontre un nouvel intervenant, je dois tout expliquer de nouveau. Les gens présument que, parce que je porte un enfant, je suis une femme. C’est pourquoi j’ai préféré faire appel à une sage femme, qui m’a suivi tout le long de ma grossesse.
Et est-ce que cette aventure a eu un impact sur votre façon de vous percevoir?
Tout au long de ma grossesse, je n’ai jamais cessé de me sentir mâle. Je savais de toute façon que c’était temporaire et que c’était pour atteindre un objectif très important.
Par Judith Lussier
Photo : Trevor MacDonald