Le 13 janvier, à l’appel du collectif « La manif pour tous », aura lieu une manifestation anti-mariage homosexuel. Ses porte-paroles se revendiquent « gay-friendly« , alors que leurs opposants les taxent d’homophobie. Sauf que l’opposition entre homosexualité et homophobie n’est pas aussi claire qu’on le pense. Explications avec Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale.
Dans le film « American Beauty » de Sam Mendes, un ancien marine ultraconservateur éructe à qui veut l’entendre son dégoût pour l’homosexualité, pour ensuite essayer d’embrasser son voisin en déroute, Lester Burnham (Kevin Spacey), avant de l’abattre, humilié par son refus. Ce tragique et étrange paradoxe n’est peut-être pas confiné au cinéma, puisque dans les milieux statistiquement plus souvent consonants avec l’homophobie (sans qu’ils ne soient pourtant nécessairement homophobes), des faits divers témoignent de la même contradiction apparente entre la violence du verbe et les appétits du corps.
Benoît XVI aurait ainsi démis Monseigneur Mixa, évêque publiquement virulent envers l’homosexualité tout en étant lui-même homosexuel, selon des informations de l’hebdomadaire « Der Spiegel« . D’autres exemples similaires ont défrayé la chronique, comme celui du télé-évangéliste Ted Haggard.
Pulsions homosexuelles enfouies et changement de circonférence du pénis
La corrélation supposée entre l’homophobie et l’homosexualité a évidemment besoin de plus de substance qu’un film multi-oscarisé et des faits divers pour être crédible. Pour tester la théorie aux accents très freudiens et selon laquelle la dévalorisation de l’homosexualité serait la conséquence d’une négation défensive de pulsions homosexuelles enfouies, des chercheurs américains de l’université de Géorgie un brin facétieux ont eu recours il y a quelques années à une expérimentation des plus inattendues.
C’est l’invention d’un instrument au nom barbare, le pléthysmographe (bande élastique contenant du mercure qui permet de mesurer les changements dans la circonférence du pénis), qui a permis d’aborder cette ancienne idée avec une touche de modernité.
Dans cette recherche un rien atypique, il a été observé que, si l’on présentait les films d’une relation homosexuelle à des hommes très hostiles vis-à-vis de l’homosexualité (attitude évaluée quelques jours auparavant à l’aide d’une mesure d’homophobie par questionnaire), ceux-ci avaient une plus grande tendance à l’érection que les autres, en dépit du fait qu’ils avaient eux-mêmes auparavant prétendus ne pas être excités par ces films.
Par exemple, 80% des homophobes avaient une augmentation de la circonférence de leur sexe contre 34% des non-homophobes. La réaction des deux groupes devant des films hétérosexuels était pourtant identique. Lorsque l’on demandait aux participants si, selon eux, ils avaient été excités par les vidéos, les sujets homophobes et eux seuls étaient enclins à sous-estimer son effet.
La reproduction de cette étude, dont l’interprétation est d’ailleurs discutée, est requise pour que l’on puisse conclure plus fermement à l’existence avérée d’une forme d’homophobie par refoulement. Toutefois, le phénomène qui vient d’être illustré est peut-être à méditer en ces heures d’effervescence pour tous.
Par Laurent Bègue
Universitaire, psy social