Après avoir adopté une loi contre la violence envers les femmes, le parlement italien doit se prononcer sur l’homophobie et la transphobie. Un projet contesté par les députés catholiques qui décidément n’entendent de leurs ministères religieux que ce qu’ils veulent.
On s’en souvient, c’était le 11 aout dernier. Un adolescent enjambait le parapet d’une terrasse pour se jeter dans le vide. Il avait seulement 14 ans. Dans une lettre d’adieu posée sur son lit, il avait expliqué à ses parents qu’il n’en pouvait plus de se sentir mis à l’écart par son entourage à cause de son homosexualité.
« Parce que je suis gay, tout le monde se moque de moi » avait écrit l’adolescent. Quelques mois auparavant, un autre gamin âgé de 15 ans s’était pendu dans la salle de bain de ses grands-parents pour la même raison. Tournés au ridicule à l’école, agressés dans les rues et jusque dans les bars, trainés devant les tribunaux pour s’être embrassés en public, un geste qualifié d’obscène par certains policiers homophobes, les gays et les lesbiennes ont la vie dure en Italie. A titre d’exemple, l’ONG italienne Gaycenter a reçu plus de 20 000 demandes d’aide l’année dernière.
Une enquête effectuée en juillet dernier par cette organisation auprès de 4000 élèves du cycle secondaire, a révélé que 5% seulement des adolescents affichent leur homosexualité. Et qu’un adolescent gay sur trois a pensé au suicide. Enfin, 70% des élèves ayant participé à cette recherche estiment que leurs familles et l’école refusent l’homosexualité.
J’espère que toute la classe politique va demander pardon aux victimes de l’homophobie pour avoir permis que la haine pour la différence soit inscrite dans le lexique des politiciens qui trainent les pieds devant le projet de loi »
a tonné Nichi Vendola, gouverneur des Pouilles et homosexuel déclaré.
Les catholiques font un blocage : ils n’ont pas entendu les message du Pape ?
Reste à voir si l’appel lancé par le leader de « Sinistra, Ecologia e Libertà » (Gauche, Ecologie et Liberté), sera entendu par les députés qui doivent se prononcer sur une proposition de loi contre l’homophobie et la transphobie, c’est-à-dire la haine contre les transsexuels.
Ce dispositif devait être approuvé par le parlement en août dernier en même temps que la loi contre la violence sur les femmes. Mais les pressions des députés proches des mouvances catholiques et les hésitations des démocrates dont une partie craint de froisser l’Eglise, ont chamboulé le calendrier des discussions programmées avant la fermeture estivale des deux chambres.
Le texte qui sera examiné par les députés prévoit jusqu’à quatre ans de prison pour les personnes « qui commettent un acte violent ou intimidant sur la base d’un présupposé homophobe ou anti-transsexuel ». Et des peines de un à un an et demi de prison pour les personnes « qui incitent à la violence où à la discrimination pour des raisons homophobes ou anti-transsexuels ».
« L’antichambre du mariage homo »
Deux conditions inacceptables pour les députés catholiques qui parlent de « loi liberticide » violant la liberté d’expression. « On ne peut pas introduire le délit d’opinion qui n’a rien à voir avec la violence. Il faut punir les actes violents mais pas les déclarations qui expriment une opinion » estime la députée cléricale et berlusconienne Eugenia Roccella.
Tandis que les membres de l’association « La manif pour tous » multiplient les manifestations, le front catholique tente de faire modifier le projet de loi. Les députés ont demandé l’introduction d’une clause interdisant les poursuites contre les personnes se disant publiquement favorables seulement aux rapports hétérosexuels. Pour les députés cléricaux les plus aguerris, l’adoption du décret-loi contre l’homophobie et la transphobie « est aussi l’antichambre du mariage homosexuel et du Pacs ».
Pendant tout l’été, le quotidien de l’épiscopat italien « Avvenire » a multiplié les articles en invitant « les députés à profiter de la pause estivale pour faire marche arrière ». Selon le calendrier des discussions, les parlementaires devraient se prononcer d’ici la fin du mois.
Mais tout dépend de la décision qui sera adoptée par la commission sénatoriale électorale d’ici vendredi sur la déchéance de Silvio Berlusconi. L’expulsion du Cavaliere pourrait entrainer la chute du gouvernement et bloquer par conséquent toutes les discussions en cours au parlement.
Par Ariel Dumont (Rome) avec STOP HOMOPHOBIE