« L’homophobie tue. On ne le répétera jamais assez. Et l’école tue aussi en laissant faire », un enseignant dégouté !

Le ministère de l’Éducation va lancer, en mai prochain, une campagne de sensibilisation contre l’homophobie, axée sur l’accueil et l’intégration des élèves LGBT+, a annoncé mercredi 1er février Pap Ndiaye, en soulignant à nouveau son plein engagement : « Une étape décisive ! », a-t-il ajouté.

Matthieu, qui enseigne dans le sud de la France, salue l’initiative. Mais, outre les bonnes volontés, « entre ces annonces et leur application concrète, il y a tout un gouffre, un fossé pour les victimes ! ». Il a tenu à réagir, après l’intervention du ministre et le décès du jeune Lucas, harcelé en raison de son homosexualité, pour témoigner de cette réalité qu’il subit également :

« Je n’ai jamais retrouvé dans les pratiques de terrain qu’une volonté de pouvoir se justifier à la moindre difficulté, de se couvrir et de se dédouaner en laissant croire que tout avait pourtant été fait ! »

« Tout ce qui est mis en place ne relève en fait que d’une vaste manipulation », dénonce Matthieu.
« On créé des cellules de réflexion, on établit des rapports, on organise parfois des formations qui, certes, ouvrent la voie à de possibles interventions. Mais lorsqu’un enseignant encore convaincu par sa tâche tente de mettre en place une action, il comprend vite qu’il sera seul et qu’il ne lui faudra pas seulement lutter contre les préjugés homophobes ou transphobes, mais contre une hiérarchie très technocrate qui n’a qu’une envie, c’est qu’on lui foute la paix ! ».

Matthieu a en effet monté des actions contre les LGBTphobies dans son établissement, qui ont remporté un certain succès, mais « sans le moindre début de soutien de sa direction » qui, pourtant, a bien su, par la suite, se gargariser de son investissement en faveur de la tolérance. « Jamais d’encouragement, de question sur les avancées du projet, le regard porté par les élèves, les difficultés… ».

« Malgré l’engagement, la hiérarchie ne suit pas ! On délègue les choses à des personnes qui ne veulent pas assumer leur travail, même si le ministre n’est pas responsable de ces manquements. »

« Je n’ai jamais pensé que l’on pouvait changer le monde et rendre des enfants, souvent brisés par les discours de leurs parents, meilleurs en un instant », poursuit-il. « Un projet doit s’inscrire dans la durée. Il ne doit jamais être loin de l’esprit et pouvoir être réveillé par les circonstances. Il doit être concret et porteur de sens pour l’avenir… Tout est lié et tout doit être relié. J’ai passé le dernier été à convaincre, à trouver des partenaires, à nouer des relations de confiance. Un travail du quotidien qui ne m’a pas épargné. J’ai tout monté, tout écrit, tout transmis à ma hiérarchie avant même la reprise. Et le jour de prérentrée, on me répond « J’ai bien reçu votre envoi. Mais je ne l’ai pas lu » ». 

« LGBTphobies, discriminations, harcèlement, mal-être d’adolescents persécutés… mais où est la priorité ? ».

Malgré toutes les tentatives de sa hiérarchie pour le démotiver, l’enseignant va toutefois réussir à mobiliser des partenaires et obtenir la tenue d’une réunion sur une première action et exposer la totalité du projet. Mais à chaque fois, on lui oppose des arguments bidons, objectant « de délais trop courts, que c’est irraisonnable… On m’a laissé faire, mais en me menaçant d’être l’unique responsable en cas d’échec. Je m’y suis donc d’autant plus impliqué et ce fut un succès. J’étais fier de ses élèves mais ne je n’ai pas pu profiter de l’événement, épuisé, en larmes. ».

Et il faut relancer le programme, « un projet devant s’inscrire dans la durée ». Matthieu va repartir en campagne, réunissant des financements au-delà de ses espérances pour pérenniser les actions de prévention, « sans qu’il en coûte le moindre centime à l’établissement », qui va finir par le lui reprocher.

« La direction m’a adressé un mail condescendant et trempé de reproches fielleux, prétextant ne pas avoir été informé des actions programmées, puis émettre des réserves. J’étais effondré… Et là j’écoute le ministre, ses beaux discours. Je pense au petit Lucas, oh oui, j’y pense, je me raccroche à lui. Mais je sais que ça sera difficile. Je n’ai plus beaucoup de force à lutter contre ma propre hiérarchie qui ne semble pas considérer ce problème de sensibilisation, de harcèlement, de haine très sérieusement. ».

« Pour la première fois, j’ai honte. Honte d’abandonner et surtout honte de faire partie de ce milieu qui a cessé de se battre, d’avoir la foi et de reconnaitre son devoir. J’ai honte d’être enseignant ».

Matthieu a été contraint de prévenir ses dizaines de partenaires de la suspension du projet. Une décision qui va à nouveau irriter sa direction, qui le menace désormais d’un blâme.

« On me menace de sanctions. Je les attends. Par un étrange renversement des choses, je suis devenu un coupable idéal, celui qui nuit à la lutte contre les LGBTphobies, celui qui permettra à tous les autres d’avoir bonne conscience… Pour la première fois, j’ai honte. Honte d’abandonner et surtout honte de faire partie de ce milieu qui a cessé de se battre, d’avoir la foi et de reconnaitre son devoir. J’ai honte d’être enseignant. C’était un peu faire don de soi à un idéal dont il m’apparaissait clairement qu’il devait irradier l’humanité. J’y voyais quelque chose de magique, une capacité à comprendre et à expliquer ce qui nous entoure, à décortiquer les choses et le monde pour en tirer le meilleur de l’être humain. Je suis devenu prof pour défendre, pour lutter auprès des victimes, pour être là et ne jamais abandonner. Je me suis investi et le système m’a broyé. ».

Depuis le début du mois de janvier, trois parents nous ont indiqué avoir déjoué de justesse des tentatives de suicide suite au harcèlement subi par leurs enfants. Un professeur a même eu l’indélicatesse de déplorer à une maman, les « difficultés d’avoir un enfant homosexuel. ».

@stophomophobie « Une école accueillante pour les élèves LGBT+ l’est pour tout le monde ! », le ministre de l’éducation Pap Ndiaye #harcelementscolaire ♬ son original – STOP homophobie