Un million de personnes se donnent la mort chaque année dans le monde. C’est le chiffre alarmant donné par l’Organisation mondiale de la Santé à l’occasion de la Journée de prévention du suicide. Et dans ce million, le Refuge s’interroge: «combien de jeunes homos»?
Des associations LGBT françaises ont profité hier de la journée mondiale de prévention du suicide pour questionner le nouveau gouvernement sur la question du suicide chez les jeunes gays et lesbiennes. Dès vendredi, une pétition du Refuge, destinée à François Hollande, interpellait le président sur ce problème. «Les conseillers ministériels semblent uniquement préoccupés par le mariage pour tous, explique Nicolas Noguier, président du Refuge, dans un communiqué. C’est une avancée symbolique, importante pour beaucoup, mais elle ne doit pas se faire au détriment des questions essentielles de santé publique: l’homophobie et ses conséquences sur les minorités sexuelles, en particulier chez les jeunes en souffrance.»
Un baromètre santé de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) de 2005 donne les homosexuels et bisexuels comme une population dite «à risque»: les homosexuels et bisexuels masculins présentent 2 à 7 fois plus de risques d’avoir fait une tentative de suicide que les hommes hétérosexuels. Chez les lesbiennes et les bisexuelles, le rapport est de 1,4 à 2,7 fois supérieur aux femmes hétéros. Pourquoi cette prévalence des idées suicidaires chez les homosexuels, et notamment chez les 15-25 ans? Pour Jean-Marie Firdion, sociologue et co-auteur des Minorités sexuelles face au risque suicidaire, l’hypothèse la plus pertinente, c’est l’homophobie persistante dans les cours de récré et les foyers: «Une enquête canadienne montre que des jeunes qui sont victimes d’agressions homophobes, alors qu’ils sont hétérosexuels, pensent davantage au suicide, dans des proportions qui ne sont pas différentes de celle des jeunes gays et lesbiennes. On voit bien que ce n’est pas l’homosexualité qui crée le risque de suicide, mais l’homophobie. Il ne s’agit pas de travailler juste avec les jeunes concernés. Si on veut agir contre le risque suicidaire, il faut travailler sur la communauté éducative entière, les parents, les enseignants…»
Stéréotypes
Pour ce faire, un programme de prévention contre le suicide lancé en 2011 par l’INPES propose aux lycéens et collégiens un DVD de cinq courts-métrages mettant en scène les effets de l’homophobie sur la psychologie des jeunes homos. Une plaquette explicative donne aux enseignants les grands axes d’appréhension des films. François Beck, chercheur à l’INPES, travaille sur le nouveau baromètre santé, censé remplacer les données de 2005, et qui permettra de déterminer si les outils se révèlent efficaces. «Développer des interventions spécifiques en milieu scolaire, faire réfléchir tout le monde ensemble, c’est très compliqué, tempère-t-il. Cela dépend des rectorats, et surtout des chefs d’établissements. Il y a tellement de thèmes de santé à traiter que celui de l’homophobie ou des comportements suicidaires chez les minorités sexuelles peut s’avérer pour eux plus complexe à traiter.»
Le mariage pour tous fera-til évoluer les mentalités? Certainement pas, selon Jean-Marie Firdion. «Les processus d’acceptation de soi qui se mettent en place à l’adolescence passent par des stéréotypes anciens et basiques. Le garçon est viril et séducteur de filles, et la fille est plutôt passive et séduit les garçons. Ces stéréotypes restent très prégnants aux âges où les jeunes ont besoin de se construire une identité sexuée et sexuelle. Le mariage pour tous ne réglera pas le problème de la découverte de son homosexualité et de son acceptation».
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