Témoignages de victimes et militants qui osent s’opposer aux lois homophobes, à visage découvert mais dans des lieux tenus secrets, problème de sécurité, rôle de la presse qui continue de lister les personnes soupçonnées d’homosexualité… Dans « l’envoyé spécial » du Petit Journal de Canal+, Martin Weil était en Ouganda pour enquêter dans ce pays d’Afrique de l’Est où les homosexuels risquent la prison à vie. Une plongée dans l’horreur d’un quotidien auquel les journalistes de Canal ont été directement confrontés.
Pendant la réalisation du reportage, Martin Weil aurait en effet été pris à partie par le pasteur Martin Ssempa, en tête de la lutte contre l’homosexualité dans le pays : « On a commencé l’interview et très vite il s’est énervé et m’a demandé si j’étais homosexuel (…) Tout d’un coup, il a pété un câble, s’est jeté sur la caméra pour récupérer les images », a expliqué le journaliste en duplex, qui a d’ailleurs été « retenu » puis « arrêté » par la police avec son collègue.
« Les policiers nous ont menacés, on nous a dit qu’on allait passer devant le tribunal. Même le ‘ministre de l’Ethique’ a été appelé pour dire qu’on faisait partie d’un complot gay et qu’on allait être déportés, exclus du pays ». La séquence avait été retirée du site de Canal+, pour des raisons de sécurité en attendant le retour des équipes en France.
Rappelons que le parti au pouvoir a rédigé un nouveau projet de loi contre l’homosexualité qu’il pourrait faire passer au parlement avant la fin de l’année.
Cette initiative survient près d’un an après l’adoption par les députés d’un projet de loi qui durcissait les peines pour les homosexuels, mais qui a été invalidé en août par la cour constitutionnelle pour une question de procédure, le quorum n’ayant pas été atteint lors du vote.
Selon une copie du nouveau texte qui a fait l’objet d’une fuite, les législateurs ont mis l’accent cette fois sur la lutte contre la «promotion» de l’homosexualité, un délit qui serait passible de sept ans de prison.
Des militants de la cause homosexuelle estiment que la mesure rendrait la loi plus répressive et augmenterait sa portée.
«Ils ont modifié le langage, mais c’est la même chose. C’est en fait pire, car la partie sur la ‘promotion’ est plus dure», a dit à l’AFP Frank Mugisha, un des principaux militants de la cause gaie de l’Ouganda.
«Si les journaux font état de l’homosexualité, cela peut être considéré comme de la promotion», a-t-il souligné, craignant aussi que les organisations de défense des droits de l’homme puissent aussi être accusées de promotion de l’homosexualité.
Il a ajouté que l’intention du parti au pouvoir était de présenter le texte au parlement «avant la fin de l’année».
«Nous allons tenter de tuer le texte avant qu’il ne se trouve devant le parlement parce que si la loi arrive au parlement elle sera adoptée dès que possible. Les élections approchent et les hommes politiques veulent se présenter comme des pourfendeurs de ce mal qu’est l’homosexualité,» a-t-il dit.
Une majorité de députés a signé une requête demandant un nouveau vote de la loi et le gouvernement a fait appel de la décision de la Cour constitutionnelle devant la Cour suprême.
Le président ougandais a toutefois implicitement mis en garde le mois dernier contre un nouveau vote d’une loi antihomosexualité, évoquant un risque de boycottage économique par les Occidentaux.
Selon ses détracteurs, le président Museveni avait promulgué la loi antihomosexualité, très populaire en Ouganda, essentiellement en vue de la présidentielle de 2016, qui marquera sa 30e année au pouvoir.
Terrence Katchadourian
@stop_homophobie
avec AFP et OZAP