Je ne m’y attendais pas. » Pas de fausse modestie chez Nadine Laguette, 32 ans, chercheuse du CNRS à l’institut de génétique humaine de Montpellier, récompensée ce jeudi à Paris par Sanofi et l’Institut Pasteur, partenaires depuis trois ans d’un concours destiné à « soutenir la recherche biomédicale innovante et encourager l’excellence scientifique au service de la santé ».
« Les cellules dendritiques, qui sont la porte d’entrée du virus »
La Montpelliéraine est distinguée dans la catégorie “junior” pour ses travaux sur une protéine (SAMHD1) qui pourrait permettre de bloquer l’infection par le VIH. « Une avancée majeure dans la lutte contre l’agent infectieux le plus meurtrier du monde avec 36 millions de décès », s’enthousiasme le jury fort de plusieurs Nobel de médecine, dont le Français Jules Hoffmann.
« La protéine SAMHD1 était connue, elle est mutée dans une maladie auto-immune rare et elle est impliquée dans la réparation de l’ADN de leucémies », précise Nadine Laguette, auteur d’un parcours sans faute (“Bachelor in science” à Londres, Master à Orsay, doctorat à Paris-Descartes) avant d’intégrer l’équipe de virologie moléculaire de Monsef Benkirane à l’IGH. C’est elle qui montrera pour la première fois, dans Nature en 2011, l’intérêt de SAMHD1 dans la recherche sur le sida. « On est parti du constat que le VIH était impuissant pour infecter certaines cellules du système immunitaire, les cellules dendritiques, qui sont la porte d’entrée du virus », rappelle-t-elle. L’enquête conduit à une protéine virale, Vpx, puis à SAMHD1. En cours d’étude, les Montpelliérains découvrent que des Américains sont sur la même piste. « Dans un domaine hyper-compétitif où il faut aller vite », ils sortent leurs travaux en parallèle.
« Je suis une passionnée, je ne pourrais pas passer ma vie sur une protéine ou une maladie »
« Depuis, les études se sont multipliées sur SAMHD1 dans la recherche contre le sida », indique Nadine Laguette, prudente : « Il s’agit de recherche fondamentale, on est loin du traitement, mais la manipulation du système immunitaire est une piste d’une stratégie antivirale. C’est la somme de connaissances accumulées qui donnent l’espoir d’une solution. » La recherche se poursuit, sans elle : « Je suis une passionnée, je ne pourrais pas passer ma vie sur une protéine ou une maladie. »
Elle bataille aujourd’hui pour avoir son équipe de recherche. Et poursuivre un « parcours linéaire » qui fait presque figure d’exception dans un contexte de mobilisation et d’inquiétude du monde de la recherche : « Des collègues brillants dans l’impasse, j’en vois. Il ne suffit pas d’être excellent. Moi, j’ai beaucoup travaillé, et j’ai souvent été au bon endroit au bon moment ».