La commission juridique a dû prendre en compte, hier, l’avis défavorable du Conseil d’État sur l’adoption dans le projet de loi sur le mariage homosexuel. Tous les couples mariés devraient pouvoir adopter.
L’accord de gouvernement voulait faire une différence entre les couples mariés hétérosexuels et les couples homosexuels en matière d’adoption. Alors que le Conseil d’État s’est montré hostile à cet «arrangement», la commission juridique tend vers un accord où les couples mariés, quels qu’ils soient, seront égaux face à l’adoption.
Quand la réforme sera adoptée, la législation luxembourgeoise ne devrait pas faire de distinction entre couples hétérosexuels et couples homosexuels, sur le plan du mariage et de l’adoption.
Malgré les réserves du CSV, le président de la commission juridique, Gilles Roth, n’a parlé que de «préjugés favorables» à l’égard de l’adoption par des couples homosexuels, il semblerait que le Grand-Duché ait décidé d’adopter une législation sur le mariage s’alignant sur les modèles belge et français. Il n’y aurait donc aucune restriction pour les demandes d’adoption des couples homosexuels. L’accord prévoyait de n’accorder l’adoption plénière qu’aux couples hétérosexuels, ne laissant aux couples homosexuels que la seule adoption simple. Tandis que dans le cas de l’adoption simple une filiation juridique avec les parents biologiques perdure, l’adoption plénière, elle, casse tout lien et ne reconnaît plus que les parents adoptifs. Il y a une dizaine de jours, le Conseil d’État avait fait voler en éclats le compromis qu’avait adopté la coalition : le mariage homosexuel oui, l’adoption, non.
Pour le Parti socialiste, la décision de la commission juridique, hier, est plutôt une bonne surprise : «Il y a encore quelques réserves du CSV, mais nous allons clairement vers le modèle belge. Le Conseil d’État a délivré un argument-choc, celui du principe du respect de l’égalité devant la loi. C’était une bonne approche de séparer le projet de loi sur le mariage d’une réforme globale sur l’adoption, sinon cela aurait pris bien plus de temps», explique Alex Bodry, député LSAP.
Si les amendements ne freinent pas le processus législatif, le mariage homosexuel pourrait être légalisé dès la rentrée prochaine. Les couples homosexuels pourront donc se marier et entamer des procédures pour adopter, l’adoption plénière étant reconnue.
«Régulariser des situations existantes»
Jusque-là, au-delà de quelques résistances au sein du CSV et de l’ADR, la société civile luxembourgeoise n’a pas opposé de résistance au projet de loi, alors que cela a été le cas encore très récemment en France, où le même type de loi a été voté. Le Luxembourg pourrait être le 16e État au monde à légaliser le mariage homosexuel. Le Royaume-Uni est en train de plancher sur une loi similaire.
Du côté des associations homos, on applaudit cette décision : «Nous avons été extrêmement contents quand nous avons appris cette décision dans la matinée. La loi va être définie exactement comme nous le voulions. Avec l’adoption plénière, nous allons avoir les mêmes droits que les couples hétérosexuels, c’est un combat de longue date. Et cela va surtout pouvoir permettre dans un premier temps de régulariser des situations déjà existantes dans les familles au Luxembourg où les enfants sont déjà là», déclare, ravie, Gabrièle Schneider, présidente de Rosa Luxembourg.
Si l’on parle de préjugés favorables, on ne parle pas encore néanmoins d’accord au CSV, même si les dernières réserves devraient tomber. Gilles Roth a consenti que même sans texte arrêté, la Commission allait travailler dans ce sens. Néanmoins, le député reste mesuré à propos de l’adoption : «Il y a eu 22 adoptions au Luxembourg l’an dernier. Elles concernaient principalement des enfants venus de pays comme l’Afrique du Sud, l’Inde, la Bulgarie, la Corée du Sud. Beaucoup de pays étrangers refuseront de donner leurs enfants à des couples homosexuels. Il y a eu seulement trois enfants nés au Luxembourg donnés à l’adoption l’an dernier. Donc, même si les couples homosexuels y ont accès, je pense que les chiffres de l’adoption ne risquent pas de monter, au contraire.» Gabrièle Schneider rétorque, quant à elle, que la Commission européenne travaille justement sur cette question : «La Commission va sortir des directives pour régulariser les choses et faire en sorte que les États européens aient la même politique en la matière. Elle ne lâchera pas tant que la discrimination qui existe pour les couples homosexuels ne tombera pas.»
Audrey Somnard