Lyon, «bastion de l’homophobie» ?

Le mouvement d’opposition au « mariage pour tous » a été particulièrement fort à Lyon ces derniers mois, au grand dam des associations LGBT qui s’en alarment.

Tout a commencé avec un étrange volatile à la démarche mal assurée et aux ailes bicolores sur lesquelles on pouvait lire « papa » et « maman »… La scène, répétée à l’identique dans 75 villes françaises, s’est produite à Lyon le 23 octobre dernier. Ce happening, qui nous semble aujourd’hui bien loin et bien anodin comparé aux événements plus récents, était le premier d’une longue série d’actions plus ou moins spectaculaires organisées par les opposants au «mariage pour tous» dans la capitale des Gaules. Trois semaines plus tard, une manifestation bien plus imposante réunissait entre 22 000 et 27 000 personnes dans les rues de la Presqu’île. Le 13 janvier, ils étaient encore plus de 5 000 Lyonnais montés à la capitale pour participer à la grande manifestation parisienne des antis, pour laquelle un TGV de 510 personnes et une centaine de cars avaient été affrétés. Et, dans la vague de radicalisation des « antis » qui a suivi l’autre grand rassemblement parisien du 24 mars, Lyon n’a pas été en reste avec le « comité d’accueil » réservé à Christiane Taubira lors de sa venue à l’Opéra le 27 mars et une multitude de rassemblements, pas toujours déclarés en préfecture, les 4, 14, 17 et 23 avril. Incontestablement, Lyon a été, pendant des mois, l’un des principaux foyers de la contestation au projet de loi sur le «mariage pour tous».

Une ville marquée par le catholicisme… et l’extrême-droite

Parmi les opposants qui ont massivement investi la rue lyonnaise durant ces longs mois de « débats », on a pu observer une forte présence de la jeunesse dorée d’Ainay ou des Maristes, des fidèles catholiques, des électeurs de droite mais aussi des éléments beaucoup plus radicaux, membres de divers groupuscules d’extrême-droite (Bloc identitaires, Jeunesses nationalistes, GUD). Et si leur allure martiale, leurs habits sombres et leurs fumigènes détonaient incontestablement au milieu d’une foule plus adepte du foulard Hermès ou de l’écharpe Burberry autour du cou que du keffieh en travers du visage, aucun effort n’a été fait par les organisateurs de « La Manif Pour Tous » (qui s’offusquent d’un «amalgame» dont ils imputent la responsabilité aux media) pour empêcher (via des consignes strictes au service d’ordre de la manifestation, par exemple) les jeunes d’extrême-droite de se mêler à leur rassemblement. À Lyon comme ailleurs en France, il y a donc bien eu une coalition objective de la droite, des catholiques les plus conservateurs et de l’extrême-droite contre le « mariage pour tous ». Et cela explique sans doute en partie le succès de ce mouvement dans une ville dont l’histoire est marquée à la fois par une identité catholique très marquée et par une forte implantation, depuis plusieurs décennies, de la droite radicale, dont la présence s’est encore accrue ces dernières années (particulièrement dans le Vieux-Lyon) au point que la ville serait devenue, selon l’expression du Comité de Vigilance 69, «un laboratoire de l’extrême-droite».

La Marche des Fiertés LGBT en guise de riposte

Surprises par l’ampleur du mouvement, les associations gays et lesbiennes, réunies au sein d’un Collectif unitaire pour l’Égalité, ont tenu à réagir début avril. «Lyon : dernier bastion de l’homophobie et de la lesbophobie ?» s’alarmaient-elles ainsi, déplorant par ailleurs «le silence assourdissant de toutes les forces démocratiques». Mais même s’ils ont moins investi la rue que leurs opposants, les pro-mariage ont aussi donné de la voix à de multiples reprises à Lyon depuis l’automne dernier : un premier rassemblement le 27 octobre en faveur de la PMA, un kiss-in le 15 novembre, deux grandes manifestations les 16 décembre et 26 janvier, une contre-manifestation le 14 avril et enfin un rassemblement le 23 avril pour fêter le vote définitif du projet de loi par l’Assemblée nationale. Et les associations lyonnaises ont la ferme intention de continuer à se faire entendre le mois prochain à l’occasion de la 18e Marche des Fiertés LGBT de Rhône-Alpes, avec un mot d’ordre pensé pour rappeler à l’exécutif ses promesses de campagne : «PMA pour toutes : luttons contre le sexisme et la lesbophobie».

Un archevêque à la pointe du combat
De par sa charge de cardinal et le rôle prépondérant que lui confère son titre de Primat des Gaules, l’archevêque de Lyon, Mgr Barbarin, a été l’un des dignitaires français de l’Église catholique les plus engagés contre le projet de loi Taubira. Présent à toutes les grandes manifestations, il a également estimé en septembre que le « mariage pour tous » pouvait, à terme, entraîner la légalisation de la polygamie et de l’inceste.

Edit jeudi 2 mai 2013 : la Lesbian & Gay Pride (LGP) de Lyon nous précise que des considérations financières ont également jouées dans la mobilisation des pro- et des anti-mariage pour tous. Elle nous indique qu’elle connaît actuellement un découvert de 2000€ et qu’elle « aurait aimé recevoir 60 000€ [somme revendiquée par les opposants au projet de loi lyonnais dans l’émission Envoyé spécial diffusée sur France 2 le 10 janvier dernier, NdlR] pour organiser plus de manifestations sur Lyon« .

source:heteroclite.org

Photo : Rassemblement place Bellecour à Lyon mardi 23 avril 2013 (© Julien Adelaere)