Agée de 28 ans, Emilie (un prénom d’emprunt, la requérante ne souhaitant pas être identifiée), qui s’est engagée dans un long processus hormonal et chirurgical depuis plusieurs années, veut voir son identité féminine reconnue.
En janvier dernier, elle est entendue dans le cadre d’une procédure de changement d’état-civil par le tribunal de grande instance de Montpellier, qui le 24 mars dernier la déboute finalement de sa demande, selon un copie du jugement transmise à l’AFP, relayée par France3.
Si le TGI acte « la réalité de son syndrome transsexuel » et l’engagement dans le « processus de changement de sexe », via plusieurs opérations du visage, de la poitrine, de la pomme d’Adam, ainsi qu’une « féminisation de sa voix », il observe aussi qu’Emilie « ne souhaite pas s’engager dans une chirurgie de réattribution sexuelle ».
Aussi, faute de justifier une « impossibilité définitive de procréer dans son sexe d’origine », seule à même d’« entraîner le caractère irréversible de la transformation exigé par la jurisprudence », et malgré un certificat médical attestant le contraire, la requérante ne peut obtenir son changement d’état-civil, indique le jugement.
« C’est une décision rare car il est écrit noir sur blanc que la réassignation ne sera possible qu’après stérilisation », s’indigne son avocate Magaly Lhotel. « Mutiler une personne pour qu’elle obtienne des documents d’identité, c’est une aberration au XXIe siècle. » Etudiante, Emilie, ne peut pas travailler, faute d’avoir des papiers correspondant à son identité sexuelle. « Elle vit complètement renfermée. Elle ne sort plus de chez elle, car ses amis ne connaissent absolument pas son identité de genre », ajoute Me Lhotel.
« On est face à une discrimination des institutions judiciaires vis-à-vis des personnes trans », déplore également Sun Hee Yoon, de l’association commune « Trans et homo pour l’égalité », alors que « les demandes des juges sont différentes d’un tribunal à l’autre ». La France a une position « rétrograde » vis-à-vis des trans, affirme-t-elle. « On nous dit : on veut bien vous autoriser un changement d’état-civil, à condition que vous ne puissiez pas vous reproduire. »
« Cela ramène à l’engagement de François Hollande pendant la campagne qui s’était engagé à faciliter le changement d’état civil des personnes transidentitaires. Nous arrivons à la fin du mandat et la question n’a toujours pas été traitée », souligne sur 20minutes Vincent Boileau-Autin, président de Fierté Montpellier Pride, qui en appelle également aux Chef de l’état. « Leur parcours est compliqué, difficile, moralement éprouvant. On se retrouve avec ce type de décision qui stigmatisent des personnes qui n’ont rien demandé à personne ».
La requérante a décidé de faire appel du jugement.