On pensait la France mal en point. C’est vrai, économiquement parlant, c’est la galère (au deuxième trimestre 2012, la dette française atteignait 91% du PIB, ce qui représente la modique somme de 1832,6 milliards d’Euros à rembourser) ; financièrement, on patauge, malgré les taux d’intérêt plutôt bas alloués par les investisseurs ; politiquement, la crise de confiance avec l’exécutif socialiste s’accélère (36% de cote de popularité pour François Hollande en janvier 2013, d’après les derniers chiffres). Mais là, tous les ramassis de connards semblent s’être donnés le mot, dimanche 13 janvier, pour enfoncer la tête dans une bouse bien puante des quelques doux rêveurs qui croyaient encore à la Belle Epoque. Seulement, Madame, Monsieur, et même toi, là, petit enfant déjà embrigadé dans la perversité dangereuse de tes parents, sachez que battre le pavé pour défendre des « valeurs profondes » ne dissimule pas le fait que vous n’êtes qu’un tas de cons embués dans vos soi-disant croyances.
Le décalage cinglant avec l’actualité – oui, c’est vous qu’on vise, les média – suffirait à lui seul à démontrer la totale absurdité de principe de cette manifestation. Mais puisque nos interlocuteurs sont des cons, autant expliquer clairement les enjeux. De nos jours, en France, l’homosexualité n’est plus condamnée, à part peut-être de ne jamais être considérée comme une caractéristique normale de l’être humain. Jusqu’en 1982, dans ce même magnifique pays qu’est la France, l’homosexualité était un crime passible de la peine de mort. Ça l’est encore, à l’heure où vous lisez ces lignes, dans les six beaux pays que sont l’Arabie Saoudite, l’Iran, le Nigéria, la Mauritanie, le Soudan et le Yémen. A moins que vous ne soyez une merde qui n’a jamais ouvert un bouquin de sa vie Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, ces six pays sont soit des monarchies, soit des « Républiques », dont les lois sont toutes édictées par la voie de Dieu. Rien d’extraordinaire à cela. En effet, la France, jusqu’en 1905, laissait l’Eglise intervenir dans les décisions de ses dirigeants. Vous commencerez néanmoins à comprendre qu’il y a un gouffre de 77 ans (108 ans, si on les remet en perspective face à la manif’ pour tous) qui séparent les homosexuels des derniers effluves nauséabonds de l’Eglise Catholique ; pourquoi, alors, blâmer ces six pays ? Peut-on vraiment, quand vous étiez là, à marcher sous un ciel gris, dimanche dernier, se permettre de considérer ces pays-là comme arriérés, d’un autre temps, sans être dans l’obligation de briser le miroir de sa salle de bain pour pouvoir se brosser les dents tranquillement ? Pauvre France.
Là où on commence vraiment à être paumé, c’est quand on s’interroge sur le rôle de la religion. On ne va pas vous sortir les arguments à deux balles selon lesquels « Dieu il a dit d’aimer ton prochain alors vas-y aime les pédés steuplait sinon ça veut dire t’es pas un vrai croyant tavu », car on a compris que le bonheur des enfants était beaucoup plus important aux yeux des « anti » que le bonheur des parents (sans aucun sous-entendu avec les petites dérives des prêtres chrétiens, bien entendu). Le rôle et la place de la religion, et un croyant digne de ce nom ne manquera pas de vous le rappeler, se situe au niveau de l’intime (pas la vie privée, l’intime), et c’est du rôle, voire du besoin de chacun que relève la pratique d’une religion. Alors merde, expliquez-nous ce que le cardinal André 23 a foutu avec sa lettre ouverte et ses sorties médiatiques plus que bordeline et, plus largement, ce que sont venu foutre les leitmotivs religieux dans les rues de Paris. Se joindre à un mouvement populaire qui manifeste contre une loi du gouvernement (ce qui relève du domaine public, donc) qui elle-même vise à renforcer des liens intimes entre deux personnes, qui aurait pu penser que la Religion le ferait ? Pauvre France.
D’un point de vue plus rationnel, à présent, selon lequel deux hommes ou deux femmes seraient incapables de fournir à un enfant un niveau d’éducation semblable à celui fourni par un homme et une femme. On ne s’attardera pas sur le fait que deux mamans et deux papas sont autant capables d’amour que deux parents hétérosexuels, ni sur le fait qu’il existe de nombreux couples homosexuels qui élèvent actuellement des enfants, encore moins sur le fait que ces mêmes enfants ne présentent aucune pathologie, aucun trouble de la personnalité suite à une enfance « horrible » car si différente, ni ne présente de sexualité pré-orientée qui mènerait à l’extinction de la race humaine (si, si, cet argument ressort plus souvent qu’on ne le croit). On s’attachera simplement à remarquer que, même si aucune étude ne le démontre (et aucune ne le fera jamais, ça relèverait de la discrimination ; on se contentera d’auditions), avoir deux parents du même sexe ne semble pas perturber les enfants, et tout porte à croire que grandir entouré de femmes et d’hommes cultivés et ouverts sur le monde, plutôt que d’un père psychorigide et d’une mère laxiste, ne fasse pas grand mal à la race humaine. « Oui mais les enfants ils vivront une enfance horrible parce qu’à l’école tout le monde se moquera d’eux parce qu’ils seront différents ». Ah ? Interdisons le mariage entre roux et entre obèses, dans ce cas, et bon nombre d’enfances seront épargnées de la jungle qu’est l’école primaire ! Quant à ceux, les plus pitoyables sans doute, qui martelaient le slogan « touche pas à mon Code Civil », peut-être n’est-il pas déplacé de leur rappeler que leur bible est remaniée une trentaine de fois par an.
« Le serpent se mord la queue », « l’hôpital se fout de la charité », deux expressions qui reflètent plutôt bien les revendications des quelques 350 000 personnes (ou 800 000, voire un million, on ne sait plus !) présentes à la manif’ pour tous. Que reste-t-il de la France, au lendemain de ce mouvement contestable et contesté ? Quel rôle pour les Religions ? Pour les média ? Quelle place, demain, pour les couples homosexuels ? A vous de décider.