Dimanche de Pentecôte. Jour important du calendrier catholique. Nous nous rendons en famille à l’église pour la communion de mon neveu. L’église au sein de laquelle j’ai moi-même fait ma première communion. Mon église, berceau de ce qui a forgé ma vie chrétienne.
A quelques minutes de l’office, la place est en pleine effervescence. Chacun se presse, de nombreuses familles sont présentes. Malaise à l’entrée : une distribution de tracts « Manif pour tous » est en cours.
Des affiches placardées à la porte de l’église
Ma mère m’entraîne à l’intérieur, me protégeant de ce qu’elle sait être pour moi un véritable affront. Elle connaît en effet mon amertume depuis les premières manifestations. Ces démonstrations de force qui ont créé, bien que s’en défende la « Manif pour tous », un climat d’homophobie généralisé.
Ma mère m’aime, parce qu’elle est ma mère, et parce que rien n’est plus important pour elle que l’accueil de l’autre, quel qu’il soit. Elle a donc accepté mon homosexualité. Elle prend régulièrement des nouvelles de mon copain, ils se voient souvent, il a d’ailleurs été convié à cette communion.
Elle se souvient que j’ai déjà souffert d’avoir vu une affiche pour la manif du 13 janvier placardée à même la porte de l’église. Elle sait qu’à ce moment, je me suis senti exclu. Rejeté. Excommunié d’office.
Ce dimanche, arrivés à nos places, nous sommes assis à côté d’un jeune couple souriant, tract dans une main, feuille de chant dans l’autre.
Pendant 1h30, il sera question de respect de l’autre, d’amour, de tolérance. Les jeunes communiants viennent donner lecture des mots préparés. Ils parlent d’un monde meilleur, d’une paix universelle idéalement retrouvée, et remercient leurs parents de les élever dans les valeurs chrétiennes. 1h30 à l’opposé de l’image que l’Eglise donne d’elle-même dans le débat public.
Le diacre dans l’embarras
N’y tenant plus, je sollicite le diacre afin de m’exprimer quelques instants devant l’assemblée à propos de cet appel à manifester. Ma mère se décompose, craignant que cela ne vienne gâcher ce dimanche de fête. Je suis stoppé dans mon élan et me ravise.
Fin de l’office, je vais à la rencontre du diacre. Il me reconnaît : ma mère et moi étions partis en pèlerinage à Lourdes avec lui il y a quelques années. Je lui fais part de mon désarroi. Le sien fait écho.
Lui aussi doit faire avec cette distribution de tracts. Il comprend ce que j’endure depuis des mois. Je ne suis apparemment pas le seul à lui en avoir parlé, un « ami concerné » s’est déjà confié à lui.
L’homme regrette l’absence de débat à l’intérieur de l’Eglise. Je me rends compte qu’il est mal à l’aise depuis déjà quelque temps. Il voit à quel point ces mots peuvent blesser, ces mots qui sont devenus la position officielle de l’Eglise, laissant des fidèles dans l’incompréhension.
L’Eglise ne voulait pas que je sois père
Ce tractage n’intervient pas un dimanche comme les autres. C’est un dimanche de fête, un dimanche d’accueil : un baptême, des premières communions, des professions de foi. Des actes fondateurs d’une vie chrétienne maintenant pollués, liés à un message d’exclusion. L’Eglise, ou au moins certains de ses fidèles, a choisi ce jour-là d’accueillir ces jeunes dans un esprit de rejet !
Comment accueillir ces adultes en devenir avec ce visage de haine ? Comment mon Eglise a-t-elle pu se fourvoyer au point de nier ce qui était le plus beau des messages, l’amour du prochain ? Et si demain ces jeunes se découvraient eux-mêmes homosexuels ?
J’ai grandi dans cette église. J’y ai appris le respect. Des valeurs dont je suis fier mon été transmises ici. C’est là que j’ai vécu la plus belle des messes de Noël. Ce soir-là, le curé rappela en toute simplicité ce que beaucoup ont oublié : Jésus, fils de Dieu, fût élevé par un homme qui n’était pas son père. Ce bon vieux Joseph donna tout son amour à un enfant qui n’était pas de lui.
Je garde en mémoire cet héritage-là. Je préfère penser que le message actuel de l’Eglise n’est le fait que de quelques-uns. Peut-être naïvement, j’ose garder l’espoir que la majorité des catholiques ne s’est pas éloignée du message originel du Christ.
Fort de ses valeurs, je vais tâcher d’être le meilleur parrain qui soit. Vous ne vouliez pas que j’élève un enfant ; la République me reconnaît aujourd’hui ce droit. Ce que représentait pour moi l’Eglise, si loin de votre haine, je le transmettrai à mon filleul. Ainsi qu’à mes enfants.
http://www.rue89.com/2013/05/21/manif-tous-harcele-jusque-eglise-242496