Dominique et Mohamed sont désormais sereins : après bien des péripéties, le mariage de ces deux hommes est validé par la plus haute instance judiciaire. «Le mariage entre personnes de même sexe est une liberté fondamentale à laquelle une convention passée entre la France et le Maroc ne peut faire obstacle, a jugé ce mercredi la Cour de cassation, si le futur époux marocain a un lien de rattachement avec la France». Tel est le cas dans cette affaire, puisque «le ressortissant marocain était domicilié en France», indique un communiqué de la Cour.
Dans son communiqué, la Cour de cassation indique qu’elle considère que «la loi du pays étranger ne peut être écartée que si l’une des conditions suivantes est remplie»: soit «il existe un rattachement du futur époux étranger à la France», soit «l’État avec lequel a été conclu la convention, n’autorise pas le mariage entre personnes de même sexe, mais ne le rejette pas de façon universelle».
Pour rappel
Par deux fois, la justice avait déjà validé cette union, mais le parquet général s’était ensuite pourvu en cassation. Dans ses conclusions, l’avocat général près la Cour de cassation a recommandé le rejet de ce pourvoi: pour lui, la loi sur le mariage pour tous a bien modifié «l’ordre public international français». Ce qui signifierait qu’elle peut aller contre les conventions bilatérales conclues avec d’autres États qui ne reconnaîtraient pas une telle union.
Annulé en septembre 2013 deux jours avant la cérémonie, le mariage a finalement été autorisé par le tribunal de grande instance puis par la cour d’appel de Chambéry , autorisé le couple à s’unir : tous deux ont écarté la convention bilatérale signée en 1981 entre la France et le Maroc, qui fait obstacle à la célébration en France de mariages entre deux personnes de même sexe. La loi marocaine prohibe en effet le mariage homosexuel, de même que la Tunisie, l’Algérie, le Laos, le Cambodge, la Slovénie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, le Kosovo et la Pologne avec lesquels la France a passé un accord semblable. La cour d’appel aura ainsi estimé que la loi sur le mariage de personnes de même sexe pouvait s’appliquer à ce couple binational, précisant que les règles de fond du mariage devaient satisfaire aux règles fixées, pour chacun des membres du couple, par son pays d’origine.
Lors de l’audience, avant Noël, l’avocat général près la Cour de cassation, Jean-Dominique Sarcelet avait estimé que la convention passée entre la France et le Maroc est « manifestement incompatible avec le nouvel ordre public français », tel qu’il se définit depuis la promulgation de la loi autorisant le mariage pour tous.
Il répondait à l’avocate de l’association Ahluna qui demandait l’annulation du mariage. Selon Pauline Corlay, la loi autorisant le mariage pour tous n’était pas « suffisamment partagée par le peuple français » pour être considérée désormais comme « une valeur essentiel du droit français » et ne s’imposait donc pas à une convention internationale.
Casser l’arrêt et revenir sur ce mariage constituerait une « atteinte au principe d’égalité et de non discrimination », a plaidé Me Alice Meier-Bourdeau, conseil de Dominique et Mohammed. Conseil du Défenseur des droits, qui considère comme « discriminatoire » l’opposition du parquet à ce mariage, Me Patrice Spinosi a prévenu la cour qu’il existait « un risque d’instrumentalisation » de la décision par les opposants au mariage pour tous.
Pour l’avocat du couple, «c’est la France qui choisit dans quelle société elle veut vivre!». «Il ne s’agit pas en l’espèce d’imposer nos vues aux autres États amis comme le Maroc, mais de permettre en France et non au Maroc l’exercice d’un droit au mariage plus étendu, affirme Me Didier Besson dans une tribune auFigaroVox. Il n’y a dans le fait de faire primer la loi sur le mariage pour tous, qui a modifié l’ordre public international français, aucune remise en cause de la parole de la France, mais une application stricte des règles tant du droit international que du droit interne».