Pour le pape Benoît XVI, le grand rabbin Gilles Bernheim a bien posé le problème du mariage gay qui risque de réduire l’enfant au statut d’« objet ».
Les papes ont déjà rendu hommage à des grands rabbins. Mais aucun comme Benoît XVI n’a puisé dans leurs travaux pour argumenter ses propos de responsable de l’Église catholique. Dans le second tome de son livre sur Jésus de Nazareth, il avait utilisé les travaux théologiques de son ami le rabbin Jacob Neusner. Mais dans son discours annuel à la Curie romaine – considéré comme le plus important de l’année sur le plan interne – prononcé, vendredi, il a longuement cité l’essai du grand rabbin de France, Gilles Bernheim, publié le 18 octobre dernier. Le Pape y puise largement une argumentation, qu’il fait sienne, pour dire une nouvelle fois non au mariage homosexuel et à l’adoption d’enfants par ces couples.
Benoît XVI est intervenu à différentes reprises cet automne pour s’opposer au mariage homosexuel dans le cadre de discours qu’il adressait à des évêques français. Mais c’est la première fois qu’il prend une position aussi claire et explicite contre le mariage gay dans un texte à portée universelle et placé au cœur de son magistère. Ce discours à la Curie romaine prononcé vendredi matin devant l’ensemble des services administratifs du Saint-Siège a été, de fait, traduit en sept langues.
«Le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, écrit Benoît XVI, dans un traité soigneusement documenté et profondément touchant, a montré que l’atteinte à l’authentique forme de la famille, constituée d’un père, d’une mère et d’un enfant – une atteinte à laquelle nous nous trouvons exposés aujourd’hui – parvient à une dimension encore plus profonde.» Il ajoute: «Il devient clair maintenant qu’ici est en jeu la vision de l’être même, de ce que signifie en réalité le fait d’être une personne humaine.»
«Contester sa propre nature»
En citant Gilles Berheim, le Pape démontre ensuite «la profonde fausseté» de la théorie du genre. Cette théorie déplace la différence sexuelle inscrite dans la biologie même du corps humain vers un simple choix de culture, donc relatif. Résultat, selon lui: l’homme finit par «contester sa propre nature» et «l’être humain désormais existe seulement dans l’abstrait, qui ensuite, de façon autonome, choisit pour soi quelque chose comme sa nature.»
Dernier axe de la démonstration: les conséquences pour l’enfant si le droit d’adopter était voté pour des couples homosexuels. «Bernheim, souligne le Pape, montre comment, de sujet juridique indépendant en soi, il (l’enfant) devient maintenant nécessairement un objet, auquel on a droit et que, comme objet d’un droit, on peut se procurer.»
Conclusion de Benoît XVI, dont l’idée est de démontrer que derrière le débat sur le mariage gay, c’est la vision même de l’homme qui est en cause: «Dans la lutte pour la famille, l’être humain lui-même est en jeu. Et il devient évident que là où Dieu est nié, la dignité de l’être humain se dissout aussi. Celui qui défend Dieu, défend l’être humain!»