Il y a eu le mariage heureux de Vincent et Bruno, le premier couple gay à s’être marié à Montpellier; il n’y aura pas celui de Jean-Michel et Guy, à Arcangues au Pays basque.
Devant le refus du maire de célébrer leur union, ils porteront plainte contre l’élu et ses adjoints. Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls l’a rappelé, ceux « qui ne respecteraient pas les lois de la République risquent des sanctions importantes ». Cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende, voilà de quoi pourrait écoper Jean Michel Colo, le maire UMP de la commune, qui n’a pas l’intention de fléchir.
« On doit sans doute être le premier couple à essuyer un refus, ou le premier connu des médias tout au moins. Mais même si cela nous dépasse, même si on ne voulait pas passer par là, nous sommes déterminés à nous marier à Arcangues », (Pyrénées-Atlantiques), a déclaré Jean-Michel Martin, informaticien de 55 ans à l’AFP, lundi 10 juin.
Pour ce couple qui « ne voulait pas faire de vagues », c’est raté. Malgré leur proposition faite au maire de faire célébrer hors de la salle des mariages et le faire chez nous avec un assesseur, celui-ci a également refusé. Le couple pourrait se rabattre sur la mairie de naissance de Jean-Michel, dans une ville du sud-est, « mais la mairie là-bas est de couleur encore plus sombre », a expliqué Jean-Michel, sans plus de précisions. L’association SOS Homophobie confirme: ils ont reçu des témoignages de couples « ayant essuyé un refus de célébrer leur union par le ou la maire de leur commune. »
Sur la carte, quelques mairies dont les élus refusent de célébrer les mariages gay.
Discriminations
Mais surtout, il n’y a pas que l’obstacle de la mairie à franchir pour les couples homos. Dans un communiqué, l’association SOS homophobie dit avoir « reçu plusieurs témoignages anonymes de couples de personnes de même sexe qui se voient refuser des services commerciaux, tels que des locations de salles en vue de leur mariage par exemple, au seul motif de leur orientation sexuelle.
En région Rhônes-Alpes, l’association a recueilli le témoignage d’un couple de femmes qui peine à trouver une salle pour célébrer leur mariage. C’était pourtant bien parti, le gérant laïc d’un premier établissement ayant accepté leur requête. Mais la salle appartenait au diocèse, qui aurait refusé que celle-ci soit louée à cette fin. Rebelote quelques jours plus tard. Cette fois, les futures mariées ont posé la question aux propriétaires d’un château familial.
« Hors de question que j’assiste à cela, » aurait déclaré la châtelaine. Porter plainte pour discrimination? Les victimes se posent la question. « Prouver le dommage et rassembler les preuves est malheureusement compliqué, » rappelle Ludovic Saulnier, délégué régional de SOS homophobie.
Autre région, autre histoire. Dans un village alsacien, les adjoints au maire ont notifié leur refus de marier un couple d’hommes catholiques pratiquants. Depuis la fin de l’année dernière, le climat se serait dégradé dans la commune. Jets d’œufs sur leur toit, mauvaises relations avec les riverains, propos virulents à l’église… Seule consolation: le maire a fait savoir qu’il appliquerait néanmoins la loi.
« Sourires narquois » et refus déguisés
Même son de cloche du côté des organisateurs de mariages. « Petits sourires narquois », mauvaises blagues, « refus polis », Olivier Legrand dirige Boum.co, une agence spécialisée dans l’organisation de mariages gays et lesbiens, principalement à Paris mais aussi dans le reste de la France.
S’il concède que dans la capitale, il est surtout contacté par des entreprises parisiennes souhaitant mettre en avant leur politique « gay friendly », il déplore un « climat pas toujours très sain » plus qu’un rejet affiché de la part des entreprises avec lesquelles il travaille.
Marier un couple homo? « Certains prestataires de services n’osent pas dire le mot, » explique au HuffPost Thibault Fallait, organisateur de mariages gay dans la région brestoise.
Petites réticences, gêne… Pour ne pas tomber sous le coup de la loi, certains propriétaires de salles rusent pour ne pas avoir à exprimer un refus officiel qui tomberait sous le coup de la loi. « On leur propose une date, puis une autre, et enfin une troisième, puis on finit par comprendre que ce n’est pas un problème d’agenda, » raconte-t-il.
Une homophobie « record »
Car loin d’avoir apaisé les tensions, le débat puis le vote du mariage pour tous les aurait ravivées. Dans son rapport annuel pour l’année 2012, l’association SOS homophobie souligne le « record » du nombre de témoignages, avec 1.977 appels sur sa ligne d’écoute en 2012, soit une hausse de 27 % par rapport l’année précédente.
Dans près de 50% des cas, ces témoignages évoquent des insultes, viennent ensuite la discrimination (+16 %) et les menaces (+14 %). Pour 8%, il s’agit d’agressions physiques.
« Le début de l’année 2013 est sur la même tendance », constatait alors Elisabeth Ronzier, ce que confirme l’association Le Refuge, qui tient aussi une ligne d’écoute ayant reçu depuis le début de l’année 35% d’appels en plus, à un « niveau extrêmement préoccupant ». Mais si les associatifs espèrent une décrue dans les mois à venir, les opposants au projet de loi n’entendent pas se démobiliser.
Les opposants au mariage gay toujours mobilisés
Dimanche 10 juin, un militant anti-mariage gay a réussi à déjouer la sécurité et a fait irruption en pleine finale de Roland Garros, un fumigène à la main. En début de semaine, les affiches du film d’Alain Garaudie L’inconnu du lac, qui aborde frontalement l’amour physique gay, ont été retirées dans les communes de Versailles et de Saint-Cloud.
À la recherche de nouvelles tribunes médiatiques, les opposants au mariage homosexuel, ont décidé de faire du Tour de France qui débute le 29 juin leur nouvelle cible, affirment-ils sur une page Facebook intitulée « Tour de France pour tous ». « Du 29 juin au 21 juillet, nous aurons une visibilité internationale incroyable pour afficher notre combat contre la loi Taubira et la théorie du genre », expliquent les opposants sur la page du réseau social lancée lundi.