Mariage gay : de Frigide Barjot au « cassage de pédé », ces débats étaient trop violents

Depuis le début des débats sur le mariage pour tous au Parlement, étant militant et ouvertement homosexuel, il me semblait de mon devoir d’en être un témoin actif.

Il m’arrive souvent de fouiller ma mémoire pour me rappeler les temps des discussions sur le Pacs : oui, j’y retrouve les mêmes arguments millénaristes, paranoïaques et ridicules, mais non, je n’ai pas souvenir d’un tel déchaînement de violence.

Et ces derniers temps ? N’avons-nous pas connu un dangereux crescendo ? Depuis novembre 2012, date du dépôt du texte à l’Assemblée nationale, les discours des anti n’ont-ils pas évolué ?

1. De Civitas à la Manif pour tous, les forces en présence

Tout a commencé avec l’arrivée d’un ovni sur la scène du conservatisme : Frigide Barjot, clubbeuse, jet-setteuse et habituée du Banana Café, se fait connaître avec son cortège de communication absolument pas créative, puisqu’elle pillait allègrement la culture gay (codes couleurs, insolence, culture musicale, happenings). Elle a le mérite de prendre à contre pieds les défenseur du projet d’égalité : on s’attendait à de grises personnes bavant des insultes d’un autre temps, on a eu les « Télétubbies » sous acide.

Les frontières étaient alors établies : d’un coté, les vilains Civitas, de l’autre, l’extravagance sympathique d’une hétéro pride. Qu’il fut facile pour eux de dire quelque chose comme : « nous ne sommes pas homophobes, voyez, on est hyper sympa et rigolo ».

Les pro-mariage pour tous avaient beau jeu de se perdre en démonstration sur l’homophobie sous-jacente, ils passaient alors pour des sophistes, des intégristes : comme on dit chez les jeunes, on nous « la faisait à l’envers ».

Certes, ici ou là, s’échappaient des phrases suspectes comme par exemple; le 9 novembre 2012, cette déclaration de Christine Boutin sur la chaîne LCP :

« On nous avait dit qu’après le Pacs, il n’y aurait pas le mariage, aujourd’hui vous nous dites qu’on n’ira pas vers la polygamie, mais c’est la logique. »

Très vite, tout était rattrapé, tout était nettoyé, elle revenait sur ses propos…

Mais tous ces petits mondes allaient se rejoindre. Ce fut la Manif (dite) pour tous du 24 mars dernier, on ne demandait plus aux extrémistes d’être de coté. Le résultat fut probant : débordements, provocations, volontés de passage en force vers les Champs-Elysées. Mais, qu’à cela ne tienne, la garde UMP fut là pour s’offusquer.

mariage pour tous - fight back2. Le vote au Sénat : un tournant

L’innommable est commis : le « cassage de pédé », parce qu’ils sont pédés. Nous n’y croyons pas, nous vérifions, cherchons des sources fiables puis nous constatons atterrés : Wilfrid et son petit ami Olivier sont tabassés dans le XIXe arrondissement de Paris le 7 avril.

En sous-main gronde la colère des extrêmes : le plus évident en fut l’appel à la violence à Nancy lors de la Gay Pride à venir par un groupe régional du GUD.

Le vote au sénat a lieu… Et les paroles furent terribles, même de la part de ceux semblant les plus modérés : « Hollande veut du sang, il en aura ! » affirma Frigide Barjot. Des propos retirés le 22 mars, mais des propos prononcés tout de même.

Mais, Frigide, le sang a déjà été versé… Tu en veux encore ?

Malheureusement, dans le déni de démocratie, elle va plus loin en niant le suffrage universel et en appelant à l’insurrection :

À l’Assemblée et au Sénat, les phrases les plus saugrenues ont été entendues, il faut lire cette revue de détails.

3. Les harcèlements continuent

Menaces à des élus de la République, dégradation de la voiture d’Esther Benbassa, réveil en fanfare pour Chantal Jouanno, dégradations de l’espace des Blancs-Manteaux à Paris qui accueillait un salon annuel inter LGBT… Les débordements se multiplient.

tweet-mariage-pour-tousEt les jours suivant, les harcèlements ont continués : Erwan Binet ne peut plus faire une seule réunion, réveil au petit matin de toute la famille de François de Rugy (Co-président du groupe écologiste à l’Assemblée nationale), le même insulté en pleine rue, le journaliste Joseph Macé-Scaron reçoit des menaces sur Twitter (« Tu vas payer! »), les exemples sont nombreux, trop nombreux.

Depuis que la contestation échappe à Frigide Barjot, Christine Boutin ne contrôle plus ses propos. L’extrême-droite reprend le dessus par l’intermédiaire du « Printemps français » mené par Béatrice Bourges, qui encourage les exactions avec, en sous main, le FN, quitte à continuer à piéger une UMP entêtée de façon de plus en plus visible.

4. La violence à l’Assemblée

Le 18 avril au soir, pendant les débats à l’Assemblée nationale, un palier de plus a été franchi. Des échauffourées ont lieu aux abords de l’Assemblée. Puis dans la soirée, on apprend l’agression de trois hommes dans un bar à Lille.

Les députés le savent, ils suivent Twitter aussi. Cela n’empêchera pas le député UMP Marc Le Fur de parler de « jeunesse pacifique » pour qualifier les manifestants. Laurent Wauquiez à son tour fera son offusqué.

Mais, une telle violence n’est pas venue de façon spontanée, elle n’a pas grossie non plus telle un boule de neige en haut d’une montagne. Le « cassage de pédé » existait déjà, les paroles insultantes étaient déjà prononcées. Mais une telle concomitance d’événements montre que la haine a été libérée : on a ouvert la boite de Pandore.

Cette boîte de Pandore qui libère les enfants, si innocents…

mriage pour tous - tweetAlors, face aux faits incontestables, l’UMP va condamner les violences : c’est bien. Mais ne pas les provoquer c’est mieux. Philippe Cochet est allé jusqu’à accuser la gauche d' »assassiner les enfants » et de cracher sa colère sur Twitter

Le temps de la condamnation doit se terminer : l’UMP doit faire un appel au calme de ses troupes. L’UMP ne doit pas se laver les mains des violences : au sein des extrémistes, des militants UMP ont été vus, reconnus, ils ont collés les affiches à l’espace des Blancs-Manteaux à Paris, la police le sait. Il fallait être républicain et demander le calme.

J’étais de ceux, modérés, qui ne voulaient pas des contre-manifestations, estimant que nous allions ajouter de l’huile sur le feu. Ce ne sont pas nous les barbares.

Mais nous ne voulons pas d’un Malik Oussekine gay, nous voulons que nos jeunes n’aient plus peur dans la rue, nous voulons la paix, l’indifférence… et l’égalité.

Par 
EELV Orléanais – LGBT EELV