Ce couple homosexuel, catholique pratiquant, souhaitait une messe pour les défunts de leurs familles ce samedi, jour de leur mariage à la mairie. Une demande rejetée par l’évêché d’Angers. L’église du village restera ouverte.
Le curé est parti en vacances. La maire ne veut faire «aucun commentaire». Mais Challain-La-Potherie, paisible bourgade de 800 âmes près d’Angers, bruisse de mille rumeurs affolées: que va-t-il se passer ce samedi? Un «blasphème», un «sacrilège», voire une «malédiction»? Ce samedi, c’est simplement le jour du mariage «des gars», comme on les appelle dans le coin. Sauf que juste avant de se dire «oui» à la mairie, Jean-Marie et Fabien, tous deux issus de familles «ultracatholiques», souhaitaient se retrouver, autour d’une messe pour leurs proches défunts, à l’église du village. Une demande qui a enflammé les paroissiens, et bien embarrassé l’évêché.
A Challain, tout le monde connaît ce couple excentrique, toujours vêtu de couleurs vives, qui a racheté une belle maison, près de l’église, voilà quinze ans. Jean-Marie Voignier, qui a fait trois ans de noviciat, «ne cache pas être membre des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence», des groupes de militant (e) s LGBT qui se veulent «visibles, outrageantes et même provocantes car elles pensent qu’il est parfois nécessaire de choquer pour faire réfléchir». Avec son compagnon, ils travaillent tous deux au château de Challain, où ils organisent… des mariages! Leur union à la mairie avait déjà donné lieu à quelques crispations: soutenue par la Manif pour tous et plusieurs élus des communes environnantes, la maire, Clotilde Lebreton, avait invoqué, samedi dernier, son «droit à l’objection de conscience». L’un de ses adjoints, également opposé au mariage gay, s’est finalement «dévoué». Le témoin de Jean-Marie sera sa sœur, religieuse à Lyon.
«Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu…»
Jean-Marie et Fabien.
«Enfin ils ne vont plus vivre dans le péché!», rigole un voisin. «La mairie? Bon ben, maintenant que la loi est passée… on fait avec!, concède Marthe Robert, l’organiste. Mais demander une messe, tout de même… Et ils voulaient que j’accompagne les chants!» Un retraité affirme: «C’est pour narguer tout le monde! Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu…» Quant à cette autre paroissienne âgée, elle s’étrangle: «Vous vous rendez compte s’ils allaient s’embrasser devant l’autel? Vous voyez dans quoi l’église se fait embarquer?»
A l’évêché d’Angers, on a tout de suite vu. Un communiqué a été publié pour souligner que «l’attitude de l’Église vis-à-vis de ce couple n’est pas liée à leur homosexualité». «Deux règles expliquent le refus qu’un temps de prière des deux familles ait lieu à l’église à l’occasion d’un mariage civil, affirme le diocèse d’Angers. La première disposition, datant de 1997, vaut pour tous les mariages civils n’étant pas suivis d’un mariage à l’église. Pour dissiper toute confusion avec la célébration d’un mariage sacramentel, il est demandé qu’aucune messe ou temps de prière familial ne soient organisés le même jour dans une église ou dans une chapelle. La deuxième disposition concerne la demande de prière pour les défunts. Le curé en est informé et il indique l’heure et la date pouvant convenir. Cette prière se vit habituellement à l’occasion des messes déjà programmées dans la paroisse, le dimanche ou en semaine».
Reste que pour l’Église, la «provocation» est claire. «D’autant plus qu’il y a quelques jours, un couple homosexuel m’a téléphoné pour me proposer 30.000 euros si j’acceptais de les marier à l’église en août!», raconte un prêtre angevin. «La prière ne peut pas être vécue comme une revendication, sermonne un autre abbé. Elle est un temps de grâce et d’humble offrande devant le Seigneur. Nous n’accepterons pas une manœuvre, même habile, pour sommer l’Église de reconnaître un état de fait». L’évêché a d’abord pensé fermer l’église ce samedi. «Mais nous n’avons pas souhaité faire de provocation, insiste le vicaire épiscopal du Haut-Anjou, l’abbé Gilles Crand. L’église sera finalement ouverte comme d’habitude».
«On n’utilisera pas cette église, mais une chapelle désaffectée»
Le président de Quazar, le centre LGBT d’Angers, Stéphane Corbin, catholique lui aussi, «est triste que l’Église refuse à deux familles pieuses cette messe des défunts, qui ne peut pas être considérée comme un sacrement». Mais il en faudrait un peu plus pour gâcher la fête de Jean-Marie et Fabien, qui ont prévu un «mariage de bourges» dans un château avec 300 à 400 invités. «Si j’avais voulu faire une provocation, je serais allé voir l’évêque en talons aiguille! lance Jean-Marie. Pour nous, le mariage c’est tellement sacré, qu’on ne voulait pas utiliser ce mot ; on voulait une union civile pour tous. Mais on ne va pas tergiverser: on a suffisamment d’amis prêtres pour nous faire une célébration dans l’intimité! On n’utilisera pas cette église, mais une chapelle désaffectée».
Après ce «procès d’intention» à ceux qui, souligne-t-il, ne sont pas que des «homos» mais aussi des «baptisés», Jean-Marie «ose espérer que cette ouverture de l’église, samedi, sera une première ouverture, et aboutira à une discussion avec l’évêché». En attendant, sourit-il, «on va continuer de vivre comme Monsieur et Madame euh… Monsieur Tout le monde».