Éric de Labarre, secrétaire général de l’enseignement catholique, a voulu, hier, à Paris, « lever les malentendus » à propos de la lettre qu’il a envoyée, à la mi-décembre, à ses 8 500 directeurs d’écoles, de collèges et lycées.
Concernant le mariage et l’adoption par les couples homosexuels, il déclare : « Je n’ai jamais parlé de débats dans les classes, avec les élèves. Nous respectons la neutralité républicaine ». En revanche, les débats sont possibles « en dehors des cours, avec les adultes, parents et professeurs. L’école est un lieu de vie ».
D’autre part, assure-t-il, « cette lettre n’était pas un appel à manifester », dimanche à Paris, avec les opposants au mariage pour tous.
« Nous n’appelons pas non plus », ajoutait peu après Caroline Saliou qui préside l’Apel, l’Association des parents de l’enseignement libre qui regroupe 843 000 familles. Si des adhérents veulent participer au défilé, « ils ne doivent pas faire référence à l’Apel ».
Tous deux tentent de calmer le jeu et de tenir un subtil équilibre entre les positions diverses qui animent leurs organisations. Des établissements et des associations locales de parents souhaiteraient un engagement comme celui de 1984 contre le projet de loi sur l’école privée. Mais Éric de Labarre et Caroline Saliou savent que plus de huit parents sur dix ne confient pas leurs enfants à l’école catholique pour des raisons religieuses. « Nous sommes opposés au mariage et à l’adoption, explique la présidente de l’Apel, mais nous accueillons toutes les familles. Certaines sont favorables au projet de loi. » Plusieurs syndicats d’enseignants du privé ont aussi pris position en faveur du mariage pour tous.
La page Facebook des jeunes fait le buzz
Et « l’affaire de Saint-Lô » ? Un communiqué de l’Apel, exprimant son « opposition ferme » au projet de loi sur le mariage homosexuel, a été envoyé dans l’enveloppe contenant le bulletin de notes des 1 700 élèves, de la maternelle au post-bac, de l’Institut d’Agneaux. Caroline Saliou ne voit pas là « de faute. Le courrier était adressé aux parents, pas aux élèves ».
Dans la Manche, l’affaire fait réagir. Hier soir, la page Facebook intitulée « Contre le mariage triste » comptait plus de 1 700 fans. Créée par des jeunes qui contestent cet envoi, elle fait le buzz. « Nous ne prenons pas position sur le débat, explique Simon Jamots, porte-parole du groupe. C’est le procédé qui nous choque. Nous acceptons les valeurs de notre établissement et nous respectons notre directeur, mais nous ne comprenons pas ce qui s’est passé. » Le groupe Facebook a été remplacé par une page Facebook, mieux modérée.
Sur Internet, les messages affluent. « Je ne sais pas ce qui m’a le plus choqué : mes notes ou la propagande à côté », ironise Bart. Une mère de deux enfants estime que « l’école catholique n’a pas à imposer ses opinions, ni à influencer les parents, nous sommes libres de penser ! ». D’autres jugent normal qu’un lycée catholique se positionne sur ce thème, « sinon, allez dans le public ».
Le député UMP de la Manche, Philippe Gosselin, dont deux enfants sont scolarisés à l’Institut, n’est « pas choqué » par l’envoi du courrier. Thierry Pay, président de l’Apel de Basse-Normandie, indique que « d’autres établissements l’ont fait et ça n’a pas fait de remous ». Le directeur de l’Institut, Laurent Lechapelays, assume totalement sa démarche, « inspirée par les évêques de France », et rappelle que des courriers de l’Apel sont régulièrement joints aux bulletins de note. Quant au syndicat enseignant FSU, il juge « inadmissible ce prosélytisme ».
Par Nicolas DENOYELLE et Philippe SIMON.