À la veille de sa réédition en format électronique, la controverse fait de nouveau rage autour d’un livre écrit par un historien respecté. Celui-ci affirme que l’Église catholique aurait déjà marié des couples de même sexe.
John Boswell était ouvertement homosexuel et catholique; il était historien et professeur à la très réputée Yale University. Il a passé une bonne partie de sa carrière à tenter de démontrer que l’Église catholique avait déjà, il y a plusieurs siècles, uni des couples d’hommes à travers des rituels qui ont toutes les apparences d’un mariage en bonne et due forme.
En 1994, un an avant sa mort, Boswell a publié un ouvrage intitulé Same-Sex Unions in Premodern Europe (Les unions de même sexe dans l’Europe prémoderne) dans lequel il défendait avec aplomb sa théorie, et le livre sera réédité en version électronique à la fin du mois d’août.
C’est sans doute pour cela que les travaux de Boswell ont de nouveau attiré l’attention des médias. Néanmoins, ses travaux ont de tout temps été au centre des débats entourant l’homosexualité et la religion; c’est du moins ce qu’affirme une étude sur la carrière de Boswell menée à la Fordham University. Ses idées ont fait leur entrée dans la culture populaire après avoir été citées dans la populaire bande dessinée Doonesbury, ce qui a poussé quatre quotidiens à ne plus la publier, selon ce que rapporte Slate.
Les recherches de Boswell étaient en grande partie basées sur une soixantaine de textes découverts par l’historien, dont certains remontent à 8e siècle, et qui décrivent des cérémonies décrites par celui-ci comme étant essentiellement «des unions de même sexe».
Dans sa critique du livre parue en 1994 dans le New York Times, Peter Steinfels écrivait que les conclusions de Boswell étaient à la fois fascinantes et complexes:
« On ne peut absolument pas remettre en question les documents découverts par le Professeur Boswell qui décrivent des cérémonies unissant deux hommes, cérémonies qui sont la plupart du temps ponctuées de prières très semblables et, au fil des ans, par des gestes symboliques qui sont de plus en plus uniformisés: se tenir main dans la main avec la main droite, l’enroulement des mains avec une écharpe, les baisers, la communion, le banquet après la cérémonie. Les points communs avec la cérémonie du mariage hétérosexuel étaient nombreux, mais il existe tout de même des différences quant aux gestes et aux paroles qui constituent chacun des rituels. »
Bien entendu, les hypothèses de Boswell furent également très critiquées. Une des opposantes les plus farouches de Boswell est la très célèbre critique culturelle Camille Paglia, qui avait littéralement démoli Same-Sex Unions in Premodern Europe dans le Washington Post, toujours en 1994.
« Le travail de Boswell sur le Moyen-Âge, dont on pourrait croire qu’il s’agit de sa spécialité, manque étrangement de conviction», écrivait rageusement Paglia. «Il est surprenant de constater qu’il semble grotesquement incapable d’imaginer que deux hommes puissent être liés autrement qu’à travers une attirance homosexuelle, qu’elle soit ouverte ou secrète. (…) J’appuie ouvertement la cause des droits homosexuels, mais ce genre de recherche, aussi intéressée que tendancieuse, voit propagande et casuistique nuire à la recherche objective de la vérité. »
Annalee Newitz de io9 ne partage toutefois pas cet avis. Selon elle, Boswell admet volontiers que les unions de même sexe suivaient parfois une logique plus financière que sexuelle, et que son ouvrage démontrait en cela que les unions de même sexe de l’époque étaient très similaires à celles d’aujourd’hui.
Boswell est mort quelques mois après la publication de son livre, ouvrage qui allait bien entendu devenir son plus connu, et la controverse entourant ses travaux se poursuit. Toujours selon Newitz, les travaux de Boswell démontrent, en fin de compte, que « même les relations humaines les plus fondamentales peuvent évoluer avec le temps, et ce qui est banni aujourd’hui redeviendra peut-être acceptable un jour, comme c’était le cas il y a des siècles ».