Dans « Politique Première » sur BFM TV, Anna Cabana, grand reporter au « Point », décrypte pourquoi le ministre de l’Intérieur se montre aussi ferme.
FM TV : Ce matin, vous voulez parler de la position de François Hollande et du gouvernement face aux maires qui refusent de célébrer des mariages gay. Ce week-end, un édile basque a informé sa préfecture que sa mairie ne célébrerait aucune union homosexuelle, ce à quoi Manuel Valls a répondu de façon inflexible et menaçante.
Anna Cabana : Le ministre de l’Intérieur a froncé les sourcils – ce qui lui arrive très souvent – et il a déclaré que ce maire divers droite, qui s’appelle Jean-Michel Colo et qui préside aux destinées d’Arcangues, dans les Pyrénées-Atlantiques, eh bien, que ce maire, donc, s’exposait à des « sanctions importantes ». « Les lois s’appliquent partout et il ne peut pas y avoir la moindre rupture d’égalité », a prévenu Manuel Valls, assurant que si un maire refusait de s’y soumettre, « le procureur serait saisi ». Valls a ajouté : « J’espère que la raison va l’emporter là-bas comme ailleurs. » Cette mise en garde du ministre de l’Intérieur vise l’ensemble des maires ayant exprimé leur hostilité à l’égard de la loi Taubira. Et ils sont quelques-uns : Michel Villedey, le maire sans étiquette de Thorigné-d’Anjou, dans le Maine-et-Loire, ou Jacques Remiller, le maire UMP de Vienne, dans l’Isère. Si Valls s’est montré aussi ferme, c’est parce que le gouvernement veut éviter une fronde des maires.
Quels sont les risques pour les maires réfractaires ?
Deux types de sanctions. En cas de dépôt de plainte, le maire peut être condamné pour discrimination, risquant jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende. Il peut aussi être suspendu en conseil des ministres, voire faire l’objet d’une « révocation » et être démis de ses fonctions. Autant dire que ce sont des sanctions lourdes. Mais les maires potentiellement frondeurs se souviennent qu’ils ont naguère reçu le soutien d’un homme important : François Hollande. L’exécutif aimerait bien faire oublier ça, mais, le 20 novembre, à l’occasion de son discours devant le Congrès des maires, le président avait reconnu « la liberté de conscience » aux maires qui refuseraient de célébrer des mariages gay. « Les maires sont des représentants de l’État. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer. Mais, je le dis aussi, vous entendant, des possibilités de délégation existent, elles peuvent être élargies et il y a toujours la liberté de conscience. […] La loi s’applique pour tous dans le respect néanmoins de la liberté de conscience. » C’était le 20 novembre ; aujourd’hui, plus personne n’a le droit d’invoquer la liberté de conscience des maires, et surtout pas eux.
Que s’est-il passé ?
Sitôt qu’elle a été prononcée, la petite phrase de Hollande sur la liberté de conscience avait provoqué un tollé. Noël Mamère avait parlé de « capitulation ». « C’est un recul, une soumission, une esquive. En cédant aux maires les plus ultras, François Hollande fait preuve d’une mollesse politique inexplicable », avait accusé Mamère. L’association homosexuelle Inter-LGBT avait hurlé au scandale. Hollande avait reçu les représentants de l’association en urgence dès le lendemain et il avait rétropédalé. Depuis, plus question de liberté de conscience.