« Que vaudront, dans 10 ou 15 ans, nos débats sur le mariage homosexuel ? » C’est en lisant cette question de Laurent Joffrin que m’est venue l’idée de m’interroger sur ce qui avait changé pour moi, depuis les dix ans que la loi est passée chez moi, en Belgique.
Dix ans ! Oui je n’en crois pas mon calendrier. Nous fêtons cette année le dixième anniversaire de notre loi sur le mariage des couples de même sexe et le huitième de l’égalité totale de droit entre les couples mariés de même sexe et les couples mariés hétéros, car nous avons pris notre temps pour uniformiser les règles d’union.
La loi belge, un consensus national
En résumé, voici le procédé employé. Il faut d’abord dire que la PMA pour les lesbiennes est possible chez nous depuis toujours (ou depuis si longtemps que je ne me souviens pas depuis quand) :
1. 1995 : Le même Pacs que vous.
2. Nous avons rendu ce pacs plus sexy en l’appelant « déclaration de vie commune » (c’est pas ça qui est sexy !), une déclaration qui donne exactement les mêmes droits que ceux des couples mariés (sauf pour l’adoption).
3. 2003 : Si tous ont le droit de signer une simple déclaration qui donne les mêmes droits que le mariage, alors pourquoi ne pas permettre le mariage ? (Mais toujours sans l’adoption et, particularité belge, sans la possibilité de se marier avec un non-belge).
4. 2005 : Si un mariage est un mariage alors tout le monde à droit aux mêmes droits.
Cette découpe a eu pour effet de désarmer nos partis conservateurs du centre et d’ainsi permettre que ces lois successives soient adoptées dans un large consensus.
Alors dix ans après qu’est-ce qui a changé ?
L’intégration au quotidien
Eh bien, d’abord et avant tout le changement s’est produit au niveau du regard que les gays portent sur eux même. Je dois vous dire que je suis membre d’une association gay qui a été de tous les combats (si l’on peut parler de combats en Belgique) et je constate que depuis quelques années, nos rangs ont tendance à se clairsemer, tout comme la clientèle des bars dédiés à la « communauté ».
Pourquoi ? Eh bien, parce que je crois que la plupart des gays ont quitté le bord de la route d’où ils observaient la société pour s’y intégrer de plus en plus. Bien sûr nous avons ont toujours été des citoyens actifs (des électeurs, des travailleurs, des fils et des filles aimants), mais toujours avec un sentiment d’être à l’extérieur, de ne pas être comme les autres. Un peu des enfants secrets et cachés.
Et c’est principalement ça que la loi a changé. Elle a ouvert grandes les portes de l’intégration à une partie des membres de la société. Elle a permis de ne plus devoir éluder des questions aussi bêtes que : « T’es pas encore marié à ton âge ? ». Elle a aussi permis de ne plus avoir de réticence à prononcer le nom de son compagnon, lorsqu’on parle de la personne qui partage sa vie depuis 24 ans. Et, peut être un jour, d’en faire mon époux (ou devenir de sien). Oui peut-être, car l’important n’est pas de se marier mais d’en avoir la possibilité.
Quant au regard de la société ?
Le mariage gay enfin banalisé
Eh bien, notre pays était déjà un pays apaisé sur le sujet, mais j’ai de plus en plus de mal à trouver des gens qui ignorent que les gays peuvent se marier. Il est encore plus difficile de trouver des gens qui sont contre ce mariage (ou qui le disent en public).
Bien sûr il y a toujours des homophobes (il y a eu un crime il y a un an à côté de chez moi), il y a toujours des insultes telles dans les cours d’école, mais, sont-ce vraiment encore des insultes homophobes ?
Un dernier mot pour dire que je suis fier que mon pays n’ait pas versé (suite au débat interminable que vous avez mené sur le sujet et à la violence hystérique des paroles employées) dans la controverse sur le sujet.
Oui, je suis fier que les Belges se soient contentés de vous regarder en se disant que nous avons de la chance de vivre dans un pays de compromis.
Merci encore à tous ceux qui, en menant ce combat jusqu’au bout, m’ont permis de revivre en les voyant faire la fête le grand sentiment de joie qui m’avait envahi un certain soir de 2003 lorsque notre loi est passée.
Par Andre Thonon