Mariage homo : comment je suis entré dans la guerre des (dé)colleurs d’affiche

Le débat sur le mariage homosexuel se joue au Sénat, dans la rue… et sur les murs. Les opposants au projet de loi matraquent leurs slogans à coup d’affiches, tracts et autocollants. Excédé par cet affichage sauvage et surtout choqué par des messages qu’il juge homophobes, notre contributeur explique comment il est devenu « nettoyeur ».

Je suis convaincu que l’opposition au mariage gay, c’est le nouveau racisme. C’est un combat. Un combat dans lequel je me suis engagé d’une manière un peu particulière.

Je suis hétéro, je n’ai pas d’ami gay qui voudrait se marier, donc je n’ai pas d’intérêt personnel. L’ouverture du mariage aux homosexuels, c’est juste du bon sens. Ce projet de loi n’enlève rien à personne. Pour moi, c’est une telle évidence que François Hollande n’aurait même pas du en faire un débat.

Conséquence : la parole s’est tristement décomplexée sur l’homophobie. Or dans notre société, si on lutte contre le racisme, j’ai l’impression qu’on laisse faire sur l’homophobie, dans les paroles mais aussi les images, notamment sur les affiches que les villes, étonnamment, ne suppriment pas.

Comme les opposants au mariage gay en foutent partout, je me suis dit qu’il fallait nettoyer.

Truelle et brosse métallique : le kit du décolleur d’affiche

J’ai eu un premier déclic quand j’ai vu que Christine Boutin revenait sur le devant de la scène. Elle incarne tout simplement l’intolérance. Je ne pouvais pas rester sans rien faire. Moi qui n’avais jamais manifesté de ma vie, je suis descendu dans la rue, les 16 décembre 2012 et 27 janvier 2013.

Le deuxième déclic est venu suite à la Manif Pour Tous du 13 janvier. Il y a eu une vague d’affichage de Civitas comparant le mariage homosexuel à la polygamie. C’est de l’insulte, ni plus ni moins. Et ça m’a choqué. On se prend ça en pleine gueule… Ce genre d’affiche libère des paroles blessantes, voire donne l’impression de les légitimer.

Je trouve ça dégueulasse, d’autant que les anti font leurs collages sur des spots illégaux, au bord des routes, sur des abribus, des piles de pont etc… S’ils collaient sur des spots légaux, ça ne me préoccuperait pas. Mais là, ils envahissent l’espace public.

En revanche, le décollage, lui, est légal. J’ai donc commencé à les décoller à main nue. Puis je me suis acheté une truelle. Et j’ai parfait ma technique avec une brosse métallique.

J’ai aussi parfait ma technique d’arrachage. Certaines affiches sont plus faciles à décoller : celles dont la colle est encore humide, c’est-à-dire celles qui viennent d’être collées ou quand il vient de pleuvoir. Il suffit alors de prendre un coin et le reste part tout seul.

Un jeu de chat et souris

Les affiches se décollent assez facilement aussi sur des supports en béton ou poussiéreux : la colle s’agrippe plus difficilement. Si plusieurs affiches sont collées les unes aux autres, je fais une incision avec mon cutter : je décolle un coin et je remonte avec ma pelle à gratter. Les plus coriaces, je les gratte avec une brosse métallique pour effacer le message. L’affiche devient illisible. En plus le grattage rend le support inégal donc l’affichage par-dessus plus difficile.

Les colleurs vont quasiment toujours aux mêmes endroits, donc je retourne sur ces spots. C’est un jeu de chat et de souris. Je décolle de jour comme de nuit.

Une fois j’ai eu une sale remarque d’un type dans le 16e arrondissement alors que je retirais les tracts des pare-brise des voitures. Il m’a lancé, méprisant : « c’est une sinécure ! ». Je lui ai répondu « oui » et j’ai continué. Mais sinon, les passants ont plutôt tendance à m’encourager, d’un simple « bravo » et ils continuent leur chemin.

Les « anti » ont fait suspendre mon compte Twitter

Sur Twitter, je vois que je ne suis pas le seul à le faire. J’ai essayé d’interpeller des gens, pour qu’on fasse ça en groupe mais mon compte a été suspendu peu de temps après mon appel…

Il faut dire que j’ai gentiment trollé les « anti » pour leur signaler mes décollages en reprenant leurs hashtag #manifpourtous. Ils m’ont repéré et je pense qu’ils m’ont signalé comme spam. Résultat : mon compte a été suspendu, je l’ai récupéré au bout de 3 ou 4 jours.

Je n’ai pas insisté pour décoller en groupe parce que je ne veux pas non plus que le décollage me prenne trop de temps. C’est vraiment une initiative personnelle et non calculée, au cours de mes déplacements. Je fais aussi des virées nocturnes quand je repère des spots pollués que je n’ai pas le temps de nettoyer la journée.

C’est une guerre d’usure

On joue au chat et à la souris finalement : quand je décolle, ils recollent parfois les mêmes affiches quelques jours plus tard mais ça ne me décourage pas : c’est eux qui prennent un risque juridique s’ils se font choper, pas moi. C’est une guerre d’usure. J’ai ma conscience et le droit avec moi.

Je continue de rester en veille jusqu’à l’adoption définitive de la loi. S’ils organisent une autre manif, eh bien… j’irai redécoller leurs affiches ! S’ils ont du fric à perdre, qu’ils le gaspillent. Moi, ça ne me coûte que mon temps.

Par 
Observateur parisien