Mariage homo : la galaxie des groupuscules extrémistes

Après un vote à main levé au Sénat le 12 avril, le projet de loi sur le mariage pour les personnes de même sexe revient ce mercredi 17 avril en seconde lecture à l’Assemblée. La procédure accélérée a soulevé la colère des « anti », qui se sont radicalisés et multiplient les actions commando. Des groupuscules d’extrême droite d’abord apparus en marge des rassemblements nationaux se sont lancés dans la surenchère activiste après la création du Printemps français par Béatrice Bourges, en rupture avec l’égérie des « Manif pour tous » Frigide Barjot. Si chacune de ces organisations ne compte que quelques centaines de militants, l’opposition au projet gouvernemental leur fournit une occasion inespérée de se coaliser et de faire parler d’elles, au risque des pires dérives… Tour d’horizon de cette frange dure et fiévreuse des « anti ».

  • Le Printemps français

Plus qu’un groupe réellement structuré, le Printemps français est une nébuleuse, au nom grossièrement usurpé aux mouvements de libération arabes. Né le 24 mars autour des échauffourées des Champs-Elysées, il est représenté par Béatrice Bourges, spécialiste en lobbying anti-avortement et anti-mariage homo (rebaptisé par la mouvance « mariage unisexe »). Membre de l’UMP, cette catholique conservatrice a décidé de mener des actions « plus radicales » que celles organisées jusque-là par la « Manif pour tous », dans le but d’obtenir le retrait du projet de loi. Le Printemps a ainsi revendiqué le réveil à l’aube de la sénatrice UDI Chantal Jouanno ou du député EELV François de Rugy et salué (avant d’effacer le message sur internet) la dégradation de l’espace des Blancs Manteaux à Paris où se tenait une manifestation des associations LGBT.

Refusant donc de condamner les échauffourées du 24 mars aux Champs-Elysées, Béatrice Bourges a été remerciée de ses fonctions de porte-parole de l’organisation « Manif pour tous » menée par Frigide Barjot. Si le Printemps n’appartient pas à la catégorie des groupuscules d’extrême-droite, ceux-ci ont entendu son message de « radicalité subversive » comme un signe en leur faveur et y ont trouvé un inespéré label et lieu de rendez-vous pour faire reconnaître leurs opérations et prospecter auprès d’un public de manifestants remontés contre le gouvernement.

  • Le Bloc identitaire

Présent dès les manifestations du 13 janvier, à la fois dans les cortèges de la « Manif pour tous » et des traditionalistes de Civitas, le mouvement d’extrême-droite présidé par Fabrice Robert (ex-MNR et ex-FN) compte entre 1.000 et 1.500 militants (2.000 adhérents revendiqués). Ils sont présents dans la plupart des actions coups de poing et toujours en ligne de front pour en découdre avec les CRS. L’ancien membre du club de l’Horloge et proche de la direction du BI Jean-Yves Le Gallou a accusé Frigide Barjot de faire trop de concessions à « l’idéologie médiatique » en acceptant l’idée de « lutter contre l’homophobie ».

  • Les Jeunesses nationalistes

La conférence boycottée d’Erwann Binet (rapporteur de la loi sur le mariage pour tous) à Saint-Etienne le 5 avril dernier, c’est eux. Une dizaine de militants d’extrême droite en Bombers grimpe alors sur les tables, brandit des affiches frappées d’un aigle nazifiant et hurle « La France aux Français ! », « Hollande démission ! ». Face récente du groupe pétainiste L’Œuvre française, les Jeunesses nationalistes sont fondées par Alexandre Gabriac en avril 2011 après son renvoi du FN, pour avoir fait le salut fasciste. Le mouvement qui fédère environ 600 personnes prône l’activisme violent et vient de passer en « mode Blitzkrieg » contre « la légalisation de l’accouplement sodomite et saphique », écrit sur Twitter un de ses responsables Yvan Benedetti, 48 ans et ancien bras droit de Bruno Gollnisch.

Le même samedi à Nantes, des membres des Jeunesses nationalistes ont pourchassé la journaliste pro-mariage Caroline Fourest, venue débattre de l’islam aux Journées du « Nouvel Observateur ».

  • Le Groupe union défense

Plus connue sous le nom acronyme Gud, l’organisation étudiante est fondée en 1968 à l’université Paris 2-Panthéon Assas par d’anciens militants du parti d’extrême droite maurassien Occident. Très active dans les années 70, elle était en total perte de vitesse depuis les années 80 et l’émergence du Front national comme force électorale. Durant les années 90, le Gud devient le réceptacle des tendances extrémistes non admises au Front national. Le mouvement tente cependant son retour sur scène depuis 2010 sous l’appellation Union de défense de la jeunesse. Des étudiants distribuent alors des tracts « GUD is Back » à l’université d’Assas. Son influence grandissant dans les lycées des régions lyonnaise et parisienne, Steven Bissuel fonde l’Union des Lycéens Nationalistes (ULN). Selon lui, ils étaient une quarantaine de gudards dimanche soir à Lyon, infiltrés dans les cortèges de la « Manif pour tous ». Les spécialistes de l’extrême droite les estiment à une centaine d’activistes entre Paris et Lyon. Ils sont également réapparu à Nancy. La section lorraine du rat noir (symbole des gudards) a appelé à tabasser les homosexuels, via Facebook, en postant une image d’une silhouette rose à terre frappée par une silhouette noire.

  • Le Renouveau Français

Son emblème est une fleur de lys et son but est l’instauration d’un Etat nationaliste et chrétien. Pendant la campagne de succession à Jean-Marie Le Pen, le RF avait soutenu Bruno Gollnisch face à Marine Le Pen, jugée trop républicaine et tiède sur les racines catholiques de la France. Depuis sa fondation en 2005, le groupuscule intégriste, antisémite et pétainiste dénonce le « lobby homosexualiste » dont ils ont fait une obsession. Ses troupes assurent occasionnellement la sécurité de l’église intégriste de Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris.

  • Civitas

Organisation catholique intégriste appartenant à la mouvance contre-révolutionnaire, l’Institut est très lié à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X des lefebvristes. Dès janvier, ses cortèges étaient ralliés par des dissidents du Front national, tel que le Parti de la France de Carl Lang et le Mouvement national républicain (MNR), fondé par Bruno Mégret. Tenu à distance par la « Manif pous tous », ils ne formaient plus qu’un seul cortège le 24 mars, et leurs troupes munis de drapeaux ornés du Sacré-Cœur se rejoignaient vendredi 12 avril aux abords du Sénat devant les CRS.

Marie Lemonnier – Le Nouvel Observateur